After the Curfew est un film indonésien qui explore un cadre historique relativement peu connu et peu abordé au cinéma, celui du lendemain de la Révolution nationale indonésienne qui se déroula juste après la fin de Seconde Guerre mondiale, de 1945 à 1949. À l'issue de la guerre, les Pays-Bas souhaitaient récupérer leur ancienne colonie qu'ils avaient abandonnée face aux Japonais en 1942, mais se heurtèrent à une forte résistance notamment à travers les zones rurales du pays. Le conflit débuta avec la déclaration d'indépendance de l'Indonésie et se conclut sur la reconnaissance du pays en tant qu'état indépendant des Pays-Bas.


Le réalisateur Usmar Ismail s'intéresse au retour à la vie civile d'un héros de la révolution, dont les aspirations idéalistes se heurtent au pragmatisme de la nouvelle société. Cette composante fait partie d'un registre cinématographique à part entière, les contradictions entre les impératifs militaires et civils avec tout ce que l'issue d'un conflit peut présupposer en termes d'inadaptation, croisé ici avec l'atmosphère d'un film noir. Le protagoniste, Iskandar, est très vite submergé par des cauchemars qui sèment le doute quant à sa position pendant la guerre : derrière ses secrets et ses traumatismes se cache soit un héros, soit un criminel de guerre. La réponse ne viendra que bien plus tard.


Pour l'instant, l'armée surveille les rues à la nuit tombée, lors d'un couvre-feu généralisé.


Derrière l'histoire d'un individu sur une durée de 24 heures, c'est bien sûr toute l'angoisse d'une nation qui s'exprime à travers l'errance d'Iskandar, le film ayant été réalisé seulement quelques années après l'obtention effective de l'indépendance. Les tentatives nombreuses et éprouvantes de revenir à une vie normale dépeignent le tableau d'une grande désillusion, au sein d'une ambiance noire propice aux dissensions dans une société post-coloniale. Dans une tonalité mi-moralisante mi-propagandiste, le protagoniste réalise que ses idéaux ont été largement trahis par un ancien commandant corrompu. Beaucoup des anciens combattants semblent avoir abandonné leur morale au profit d'un enrichissement matériel, à son plus grand désarroi. Les sacrifices des uns profitent à ceux qui ferment les yeux, vraisemblablement. La guerre est finie, mais la lutte pour l'indépendance continue.


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Morrinson
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le 2 nov. 2020

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