Une lente progression, mais le rythme suffit pour raconter une histoire, faisant intervenir trois groupes dont la puissance de deux est quasiment indiscernable : la nature et les indigènes, face aux Conquistadores. Le personnage d'Aguirre semble se dresser en héros, en rebelle qui cherche à assurer la richesse, la gloire et la puissance à ses soldats, sans prendre en compte ce que eux ressentent véritablement, et ne cherchant qu'à prendre cette posture de libérateur, de rebelle à l'image de Cortez au Mexique. Sombrant peu à peu dans la folie, l'équipage des Conquistadores évolue au gré de la folie de Aguirre. Le moine, fidèle à Dieu, entend respecter le pouvoir d'Aguirre car celui-ci se proclame comme étant "la colère de Dieu" : l'opposition ici entre la colère de la nature et des Indigènes, qui s'abat sur les Conquistadores, et ceux-ci, qui semblent avoir perdu tout lien avec Dieu. Leurs mésaventures sont même empreintes de mysticisme, voire de magie, faisant d'eux des impies bien plus que ne le sont les Indigènes : un blessé qui contemple sa blessure et se convainc que celle-ci n'est pas réelle ; une tête décapitée qui termine sa phrase.
Le film est donc une lente épopée de la folie de la Conquête de l'Amérique, avec un double-sens au sein du personnage d'Aguirre : moralement bon selon lui car il se dresse en libérateur, il n'a en réalité rien d'un héros, et présente tout les caractéristiques du méchant - il est après tout l'antagoniste dans ce film - qui tyrannise les autres. Une opposition ici entre subjectivité (Aguirre, le héros libérateur s'inspirant de Cortez, combattant pour la richesse de ses hommes au détriment de la couronne d'Espagne, jugée illégitime) et l'objectivité (Aguirre le tyran, en quête de pouvoir et aveuglé par ses idéaux et ses objectifs, faisant fi de l'opinion de ses soldats, les entrainant à la mort et terminant seul sur son radeau, envahi par la nature [les singes] qui prend finalement le dessus sur la folie humaine). La scène de fin est très bien réalisée, le plan est très beau, et les dernières lignes d'Aguirre résument bien toute la folie de celui-ci : une dernière fois, alors que tous sont morts autour de lui, il proclame être la "colère de Dieu". En réalité, la colère de Dieu s'est abattu sur lui, et le submergement par les singes en est une métaphore.