Oeuvre déroutante et quelque peu exigeante, Aguirre n'en reste pas moins terriblement cinglante. Herzog y dissèque l'homme, passant en revue tous les sentiments qui peuvent l'animer et dresse le portrait d'un genre humain complexe, capable d'être bon, mais surtout mauvais dans la même seconde. En ramenant les rêves de pouvoir d'un empire aux agissements d'un seul homme, le cinéaste construit un pamphlet acerbe sur cette soif de pouvoir qui anime les puissants. A travers le personnage de Aguirre, porté par le magnétisme ensorcelant d'un Klaus Kinski habité, il met en exergue la folie qui s'empare de l'être humain dès lors qu'il pense pouvoir augmenter l'emprise qu'il a sur ses semblables. Herzog dénonce ainsi ces organismes de pouvoir. L'église est clairement montrée du doigt, ainsi que le principe même de la monarchie et de ses lois arrangées.
Aguirre est un film qui se mérite, Herzog optant pour une approche réaliste à l'extrême. Les séquences sont brutales, ne préviennent jamais et ne sont jamais esthétisées. La mort y est choquante, la cruauté des hommes également. On se laisse surprendre à de nombreuses reprises par quelques sursauts de rage non prévisibles qui viennent amplifier ce dégout que l'on développe pour le personnage d'Aguirre. La folie extrême de ce dernier explose totalement lors d'un final on ne peut plus glauque où se mêlent symboliques surréalistes et images brutes exemptes de tout sentiment positif.
Difficile de véritablement savoir quoi penser de ce genre de film. On est en permanence ballotté entre différents sentiments, et même si c'est celui de la fascination qui surnage, il y en a bien d'autres un peu moins agréables qui restent en mémoire. La longue agonie que subissent les différents protagonistes est mise en scène avec minutie et c'est un peu laborieusement que l'on se fraie un chemin jusqu'à un final on ne peut plus abrupt. Pour sur que Aguirre est le genre de bobine que l'on n'oublie pas, complètement à part et empreinte d'une atmosphère aussi hypnotique que troublante.