oct 2012:

Il y a de manière manifeste un côté jouissif que le scénario provoque chez le spectateur, une part de rêve, cupide mais de rêve quand même. On sent que les auteurs ont voulu titillé cet aspect de l'humain. Mais si sur certaines scènes le personnage est près d'abuser de sa nouvelle situation dans une sorte de vengeance à l'égard de la société qui l'a rejeté (sa femme, son patron), le film parvient à éviter cet écueil facile. Le personnage joué par un Darroussin excellent, très drôle, simple et fatigué pourtant, comme son couple, ce personnage en perte de vitesse, assoupi, reprend goût à la vie, assurance mais ne perd pas son humanité. Il ne pète pas ce plomb qu'on lui croit prêt à exploser à la gueule. Le film évite cet écueil du trop jouissif, de la basse vengeance, de la cruauté du nouveau riche.

Et puis, ce qui submerge, c'est cette empathie, cette bonhomme affection que le scénario laisse percer pour ses personnages. Avec beaucoup de justesse, les auteurs sont parvenus à laisser suffisamment de liberté de ton aux personnages principaux. L'histoire d'un couple est souvent une affaire bien compliquée. Celle d'un couple qui se sépare, s'abandonne mutuellement, cette lassitude, ces éreintements quotidiens qui élargissent la distance entre deux êtres qui se sont aimés, toutes ces petites choses compliquées à illustrer le sont ici avec une étonnante habileté. Entre Jean-Pierre Darroussin et Valeria Bruni-Tedeschi, aucun des deux n'est franchement montré du doigt. Jamais ils n'apparaissent comme jugés par la caméra. Le film montre parfaitement combien c'est beaucoup plus complexe, combien le jugement abrupte et moral aurait tout faux en ce qui les concerne.

Mais c'est vrai qu'on n'échappe pas à quelques clichés, sur le banquier de la place Vendôme, par exemple, ou même le rôle de Richard Berry, très typé et l'attrait de l'argent facile également. La simplicité de la vie quand on a du fric. Il n'empêche qu'à bien y regarder, le film impose par la bande une vision sociale intéressante, sur les classes moyennes, la fragilité du monde du travail et la dureté du chômage, la précarité d'une société en pleine crise.

Peut-être que la fin verse un peu dans le roman à l'eau de rose. Et qu'un peu plus de temps aurait pu donné une patine plus réelle. Le retournement final de la situation du couple a quelque chose d'un peu précipité. Pourtant, deux ou trois scènes font mouche. J'ai particulièrement été surpris par l'émotion qui se dégage d'un montage précis sur une ou deux scène, comme celle où le couple se sépare sans oser se parler, les deux comédiens sont à la fois vrais et touchants.

En somme un petit film. Gentil. Sympathique. Pas un grand film, juste un bon petit film. C'est déjà pas mal. Je m'attendais tellement à une grosse farce aussi. Oui, la part de surprise joue : un film sur le gain au loto devrait aboutir à une comédie matérialiste un peu commune, hé bien, ce film-là dépasse largement cet aspect rabougri pour proposer un propos sur la décrépitude du couple, le loto et les problèmes d'argent demeurant une péripétie. Et nul doute qu'avec le temps, ce petit film en dira bien long sur notre époque.
Alligator
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le 20 avr. 2013

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Alligator

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