Servi par d’excellents comédiens et par un sens indéniable de la comédie, le film du cinéaste belge François Pirot séduit et se regarde avec plaisir. Il y a de la fantaisie, un sens de l’image mais on regrettera l’absence d’un petit grain de folie, d’une ampleur qui aurait pousser le film plus loin.
Alors que sa famille et son métier le mettent sous pression, Mathieu, sur un coup de tête, s’enfonce dans la forêt devant chez lui. Et y reste. Face à cette démonstration de liberté, ses proches s’interrogent. Sur lui, sur eux-mêmes, sur le sens de leur vie. Et s’il avait raison ?
François Pirot filme des personnages au bout du rouleau, qui n’avancent plus, qui n’en peuvent plus. L’un subit une pression professionnelle qu’il ne supporte plus. Sa femme Catherine a l’impression d’être coincée dans un mariage auquel elle voudrait mettre un terme. Son voisin Stéphane trouve que sa vie ronronne. Son patron n’en peut plus de ses difficultés d’entrepreneur. Son père voudrait mourir. Mathieu envoie tout valser et cela semble être l’élément déclencheur qui poussera son entourage à faire ce qu’ils n’ont jamais osé faire. Tout arrêter pour leur équilibre.
En 2014, dans son film 'Bird People', la cinéaste Pascale Ferran montrait un cadre américain qui mettait un terme à sa vie conjugale et professionnelle pour repartir à zéro, par suite de trop fortes. pressions Neuf années plus tard, François Pirot en propose une version plus comique, décalée. Car les personnages sont tous petits, au sens de simples mais ont d’immenses rêves. Ils n’ont pas tellement les moyens de leurs aspirations. Ainsi, l’épouse se laisse tenter par une nouvelle idylle mais s’emballe trop vite. Stéphane rêve de partir sur les routes mais se heurte à la faisabilité de l’initiative. Mathieu comprend tardivement les limites de son choix de vie dans la nature. Ils devront redescendre sur Terre, ne pouvant faire autrement mais au moins auront rêvé d’autre chose.
François Pirot fait preuve d’un certain sens de l’image. La photographie est assez belle. Mais surtout il a un vrai sens visuel. Il y a de jolies trouvailles. Comme ce plan large de la pelouse, où l’on découvre que Mathieu a littéralement tourné en rond sur sa tondeuse. Sinon utiliser un petit véhicule sans permis est une idée visuelle efficace. Son bleu kitsch contraste avec la rigidité du personnage. Cette voiture n’en impose pas, comme son conducteur et permet de caractérise ce personnage qui, à l’instar de son automobile, n’avance pas aussi vite que le monde autour de lui.
Le film doit énormément à ses comédiens. Jérémie Renier, qui est un acteur belge que je n’ai jamais vraiment aimé, est ici très bien. Son expressivité exprimant bien le ras-le-bol de son personnage. Suzanne Clément a un vrai talent comique. Il faut voir comment elle dit à sa fille en parlant de son futur ex-mari : « il est dans la forêt ». Elle a un vrai sens du burlesque. Avec son corp longiligne et sa voix de stentor, il est en perpétuel décalage. Quant à Jackie Berroyer et Jean-Luc Bidault, ils sont absolument parfaits.
Pourtant, on reste un peu sur sa faim. Tout est bien, mais rien n’est vraiment très bien. L’ensemble manque un peu d’ambition, de démesure. On a parfois envie que le film se déride un peu. François Pirot n’a pas le grain de folie d’un Pierre Salvadori, par exemple. La fin, où tout semble rentrer dans l’ordre, en est assez symptomatique.
Le film pourrait être moins anecdotique. C’est le reproche qu’on peut lui faire. Car sinon, l’idée derrière le scénario marche. Les acteurs absolument excellents font que l’on passe un bon moment devant cette comédie plaisante, sympathique mais pas plus que ça.