C'est gigolo comme tout !

Sortie en catimini sur Amazon Prime et quasi-unanimement décrié par la critique, la série de Nicolas Bedos vaut pourtant le détour, si l’on se base sur les trois premiers épisodes disponibles. Drôle, inventif et très bien interprété, ‘Alphonse’ est un divertissement de très bonne facture.

Renouant avec un père qu’il connaissait à peine, Alphonse, un quadragénaire en pleine déroute professionnelle et conjugale, se découvre une surprenante vocation. Sa trajectoire va alors croiser celle d’une galaxie de femmes plus passionnantes et excentriques les unes que les autres, le plongeant au cœur d’une histoire à la fois périlleuse, transgressive et pleine de tendresse.

‘Alphonse’ a à voir avec les relations hommes-femmes, grand dada de Nicolas Bedos (et sans doute source de ses emmerdes, rapport aux révélations de Mediapart le concernant). C’était déjà le sujet de ‘Monsieur & Madame Adelman’. Dans ‘La Belle époque’, Daniel Auteuil tentait de redécouvrir sa femme, tel qu’il l’avait connu dans les années 70. Même ‘OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire’ montrait un Hubert Bonisseur de la Bath en difficulté face à la gent féminine. Dans ‘Alphonse’, les hommes sont réduits à jouer les utilités (sexuelles) pour des femmes en quête de tendresse ou de piment dans leur vie.

La belle idée de la série est de ne pas réduire ce personnage de gigolo à l’aspect graveleux et sordide. Ici, ce gigolo est une sorte de comédien qui endosse plusieurs rôles. Il est tour à tour le professeur de français sur lequel on fantasmait jeune fille, il est le mari décédé que l’on fait revivre ou l’ancien fiancé qui a préféré épouser la sœur. Comme dans ‘La Belle Epoque’, on reconstitue le passé pour l’embellir plutôt que de se confronter au présent ou de se tourner vers l’avenir.

‘Alphonse’ tient beaucoup de ‘Mascarade’, le dernier film de Bedos qui n’était pas totalement réussi mais dont l’idée de départ était bonne. On y retrouve le portrait de personnages assez minables (des arnaqueurs dans ‘Mascarade’, ici un gigolo), une mise-en-scène rutilante à la fois tape-à-l’œil et belle (la photographie est très bien) et un regard sur les milieux ultra-friqués entre satire et fascination.

Ma critique de la série se borne aux trois premiers épisodes de la série, les trois autres n’étant pas encore disponibles au visionnage. Les deux premiers épisodes sont vraiment excellents et très bien montés. On suit les différentes clientes pendant tous les épisodes mais chaque épisode se concentre sur l’une d’elle. Les deux premiers épisodes sont vraiment bourrés d’idées drôles et inventives. Dans le premier épisode, une discussion autour des poèmes de Victor Hugo dans laquelle Alphonse montre quelques lacunes. Dans le deuxième, une Nicole Garcia hilarante se prennant totalement au jeu qu'elle a imaginé.

Le troisième épisode est peut-être un peu moins bon, avec un personnage féminin pour lequel le réalisateur n’a pas réellement su trouver l’équilibre entre émotion et le rire. Bedos encombre parfois sa série d’intrigues inutiles avec le petit-fils voyou d’une des clientes ou avec des scènes se déroulant dans les années 40. Sinon, certains dialogues assez navrants tournent autour de la fellation. Ils auraient pu être coupés.

Le casting est assez génial et fait largement partie du plaisir. Jean Dujardin semble être au sommet de son art. Charlotte Gainsbourg est très émouvante dans le rôle de cette femme à la fois dominatrice et aimante. Et puis quelle joie de retrouver l’inoubliable Francine Bergé, hilarante ! Marie-Christine Barrault est une touchante voisine et Chantal Neuwirth est une cliente volontiers grivoise. Cerise sur le gâteau, les trois premiers épisodes laissent entrevoir le retour de la rare et excellente Laura Morante qui a des airs de reine de la mafia.