Chaque hiver, le cinéma entreprend de nous réconcilier avec le froid, en nous transportant vers le grand Nord et en nous donnant à voir ses beautés blanches et immaculées. Cette année, la Laponie, au nord de la Finlande, région peuplée par un plus grand nombre de rennes que d’êtres humains. Sur les 190 000 cervidés qui foulent son sol subarctique, le réalisateur Guillaume Maidatchevsky, biologiste de formation et maintenant spécialiste de la faune, en choisit un, qu’il baptise Aïlo, et auquel il attache ses pas, de la naissance à l’entrée dans l’âge adulte. Sur quatre saisons, de mai 2017 à juin 2018, l’équipe accompagne le jeune renne lors de ses migrations des hauteurs vers la plaine puis de la plaine vers les hauteurs, recueillant le prévisible comme l’imprévu.


Car l’équipe de tournage fut le témoin de scènes surprenantes, que ce soit dans l’escorte du troupeau de rennes ou lors de la rencontre avec d’autres espèces vivant sous ces latitudes. Des diversions touchantes, désopilantes, ou inquiétantes, interviennent ainsi grâce à un écureuil des neiges, un lemming, une hermine, un renard polaire, des loups, un glouton, des corbeaux dans le rôle d’étranges guides, sans oublier de grandes grues nocturnes aux yeux en forme de phares et manipulant des arbres entiers comme des fétus de paille.


Grâce à Daniel Meyer et à Teemu Liakka, la photographie est splendide, que ce soit lorsqu’elle embrasse les vastes étendues scintillantes de blancheur ou lorsqu’elle s’enfonce dans la toison d’un renne, si bien que le spectateur ne sait plus, brièvement, s’il observe la lisière d’une forêt ou glisse le long de l’échine de l’un de ces robustes quadrupèdes. Au-delà de ces jeux avec l’échelle de grandeur, certains plans se logent dans la rétine et ne la quittent plus, tel celui où la buée produite par le souffle des rennes se mêle avec une douceur onirique au délicat nuage de neige poudreuse soulevée par leurs sabots.


Enfin, permettant au spectateur d’échapper à une contemplation pure et venant l’intéresser au sort du spécimen singulier que le scénario accompagne, le texte écrit par Morgan Navarro et lu en off par le chanteur Aldebert apporte avec tendresse son commentaire espiègle, d’une voix joueuse, qui module son rythme et sa diction au gré des événements et trouve même le moyen de glisser un discret hommage à un grand aîné, Alain Bashung, dont l’articulation est très exactement reprise pour évoquer l’étoile Vénus, « première à éclairer la nuit »...


Un délicieux moment, solitaire ou familial, qui vous arrachera à la torpeur et à la grisaille hivernales pour vous émerveiller et vous revigorer comme une tempête de flocons.

AnneSchneider
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le 1 mars 2019

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Anne Schneider

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