Amour, passion et tragédie sur un air de country
Quel est le secret de réussite d’un film ? S’il n’existe à ce questionnement aucune réponse générique, il est légitime de s’interroger lorsque l’on voit la prospérité fulgurante du cinéma flamand. En effet, ce dernier a fait une entrée remarquée sur la scène internationale il y a seulement quelques années, et enchaîne depuis succès critique et public. Il semblerait ainsi que le plat pays jouisse de véritables auteurs qui accompagnent l’œuvre de sa conception à sa production et lui donne ainsi une cohérence et un style unique. Mais cet atout est surtout secondé par une maîtrise formelle et une culture cinématographique d’exception qui permettent à ces réalisateurs de s’approprier les genres et les revisiter, redonnant une modernité essentielle à un cinéma contemporain suffocant.
Ainsi après Bullhead en 2009 où Michael Roskam revisitait et transcendait le film noir, c’est au tour de Felix Van Groeningen de repenser et sublimer un genre : le film musical. En effet, à travers Alabama Monroe, Felix Van Groeningen nous conte l’histoire dramatique de deux marginaux, musiciens dans un groupe de bluegrass (dérivé de la musique country) qui vont devoir faire face à la maladie de leur enfant. De premier abord, le synopsis nous donne à voir un mélodrame des plus classiques mais l’auteur a su, grâce à une mise en scène et un esthétisme des plus maîtrisés, magnifier cette fable qui parle autant de musique que d’amour, d’un drame intimiste que d’une réalité sociale. La virtuosité du réalisateur réside dans la composition de sa narration, construite (ou plutôt déconstruite) telle un morceau de musique. Les scènes de vie (de joie ou de douleur) se succèdent semblables à des couplets prophétiques et entourent les temps d’intensité dramatique qui constituent le refrain tragique et bouleversant du film. Laissez-vous donc envouter par le chant troublant et émouvant d’Alabama Monroe, sans doute l’œuvre la plus aboutie de cette rentrée.