La réalisatrice Anahí Berneri nous plonge dans le monde parallèle de la prostitution à travers l'actrice Sofía Gala Castiglione, surprenante de facilité et au jeu si naturel (surtout pour quelqu'un qui n'en est qu'à son premier film), interprétant Alanis dont nous suivons le quotidien et les déboires.
Attachante pour son côté maternel (elle joue avec son propre fils, souvent présent à l'écran et avec lequel elle nourrit une relation d'ordre presque fusionnelle) et débrouillard de jeune femme ne se laissant jamais abattre, Alanis n’apparaît jamais pour autant comme une victime, et ce malgré les difficultés de son sort, mettant ainsi à distance la dimension pathétique de sa condition. De même A. Berneri s’éloigne intelligemment des clichés sur les prostituées en faisant d'Alanis d’abord et avant tout une femme, galérant certes pour s'en sortir, mais maître de son destin, libre de choisir car elle opte elle-même pour la prostitution comme forme de résistance et moyen de survie.
Nous retenons par ailleurs de ce long-métrage primé à San Sebastian la très bonne narration de Berneri qui nous guide, après la perte de logement de la protagoniste, à travers les méandres obscurs et fascinants d’une vie tourmentée, menée au jour le jour, faite de rencontres inattendues et de liberté de mouvements. Le tout dans une esthétique quasi documentaire, avec une caméra posée dans des angles improbables essayant de cadrer celle qui ne se laisse pas si facilement prendre, souvent dans des situations dévalorisantes (besoins naturels, toilettes récurées, nudité presque vulgaire, rapports sexuels monnayés, ...) mais rendues belles par le regard de la cinéaste qui par un retournement de valeur transforme la laideur du «bas corporel» en objet de contemplation.
Un film singulier, qui mérite d'être découvert.