Il y avait très longtemps que j'ignorais à quel point il fallait fatalement que je voie ce film.
Paul Mazursky reste encore à ce jour un des réalisateurs les plus méconnus du cinéma américain; je veux dire qu'il est surtout connu pour des films accessoires. Or, Alex in Wonderland (qui, apparemment, n'a jamais été distribué en France) est son 8 et demi (la preuve: il y a Fellini dedans, qui joue son propre rôle). Ce qui est tout de même ambitieux pour le deuxième film d'un blanc-bec de 40 ans). Mais en '70, Mazursky avait l'ambition de ses délires et les moyens d'exprimer son talent. Et l'époque le lui permettait encore. Et le grand Laszlo Kovacs était à la caméra, ce qui ne gâte rien.
Film psychédélique au sens le plus néo-cortical du terme, les scènes ultra-réalistes (petit-déjeuner familial, engueulade mari-femme, leçon de choses père-fille, déchirement fils-mère..) y alternent sans sommation avec les hallucinations les plus baroco-soixante-huitardes, du type :
Jeanne Moreau, croisée chez le disquaire du coin, chantant en carrosse, sa tête appuyée sur l'épaule de Donald Sutherland; une troupe de danseurs noirs, nus sur le rivage du Pacifique, préparant la Révolution; une scène de guérilla urbaine bidon, filmée sur Sunset Bd, avec public ébahi; un producteur idiot pensant en clichés, 23 ans avant The player (joué par Mazurski lui-même); Sutherland parlant à un arbre comme si c'était son psychanalyste; Ellen Burstyn, jouant une femme mariée normale (y a pas plus psychédélique, je vous dis)..
Je n'en reviens toujours pas de la richesse explosée de ce film. Que l'influence de Fellini soit évidente, c'est écrit dans le scénario, soit; mais il contient aussi des scènes visionnaires, des scènes qu'on a revues depuis, imitées mais pas égalées. Et Donald Sutherland tient là un de ses meilleurs rôles, injustement ignoré.
Il est totalement incompréhensible, inconcevable et injuste que ce film ne soit pas un film-culte!