Babouchka
La vieille dame et la guerreJ'ai connu le réalisateur russe Alexandre Sokourov il y a quelques années avec L'Arche Russe, plongée onirique, en un seul plan-séquence, au sein du musée de l'Ermitage de...
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le 21 juil. 2022
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La vieille dame et la guerre
J'ai connu le réalisateur russe Alexandre Sokourov il y a quelques années avec L'Arche Russe, plongée onirique, en un seul plan-séquence, au sein du musée de l'Ermitage de Saint-Petersbourg. Mais je l'ai vraiment découvert grâce à mon fils, et grâce à l'un de ses films les plus abordables pour le grand public, Alexandra.
Alexandra (Galina Vichnevskaïa, veuve de Rostropovich, et 79 ans lors du tournage), rend visite à son petit-fils, Denis, officier de blindés dans un pays occupé par les Russes (la Tchétchénie, jamais citée). Après un voyage que l'on devine éprouvant, la vieille dame se retrouve dans l'univers froid, masculin, et très jeune, d'un camp militaire. Le contact n'est pas facile, ni entre elle et Denis, ni entre elle et les autres soldats, mais il se fait, progressivement. Et il est quasi immédiat, instinctif, entre elle et Malika, vieille dame tchétchène rencontrée dans la ville voisine. Ville à moitié détruite par l'armée russe dont fait partie Denis, dont font partie tous ces jeunes soldats dont Alexandra est devenue la babouchka.
Alexandra n'est pas un film de guerre, ni un film sur la guerre. C'est un film qui se passe pendant une guerre. Une guerre qui n'est pas montrée en elle-même. Pas de batailles. Pas de coups de feu. Aucun moment épique. Aucun moment d'horreur. Mais des maisons en ruine, et des gamins paumés, dans un camp comme dans l'autre. Et des vieilles dames qui se ressemblent, quelle que soit leur origine.
Des vieilles dames... Selon moi, un des plus grands talents d'Alexandre Sokourov, c'est sa façon de filmer les vieux. Sans gnangnantise. Sans complaisance. Mais avec bienveillance. Comme les êtres humains qu'ils sont, même s'ils ont été des tyrans (voir le magnifique Taurus mettant en scène un Lénine mourant, ou le délicat portrait d'une couturière japonaise dans Une vie simple). Alexandra n'a rien d'un tyran, ni d'une "Tatie Danielle", mais n'est pas pour autant une Mamie de sucre. C'est une femme, rude, parfois irritante, mais gentille. Humaine. Dans tous les sens du terme. Avec ses rides, ses idées dépassées, ses vêtements démodés et son fichu sur la tête. Et son affection grand-maternelle et son esprit plus ouvert qu'il n'y paraît au départ.
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le 21 juil. 2022
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