La force de Babysitting (2014) ou de Nicky Larson et le Parfum de Cupidon (2018) tenait à la qualité de leur écriture comique ainsi qu’à la rigueur d’une mise en scène qui singeait respectivement le format du found footage et la série animée de même nom pour en proposer une adaptation tout à la fois fidèle et personnelle. Or, les trois dernières productions de la Bande à Fifi témoignent d’une récession burlesque dommageable : si elles continuent de s’emparer de sujets sérieux (temps de vie limité dans 30 jours max, amnésie et interrogation sur la puissance et l’impuissance dans Super-héros malgré lui) pour les traiter avec humour, elles manifestent un empressement d’exécution qui les rend approximatives, caractérisé par une défilade de sketchs mal reliés entre eux et mal interprétés.
Alibi.com 2 va plus loin encore dans la récession comique du petit cinéma de Philippe Lacheau et de son équipe : à partir d’un sujet digne d’intérêt qui prolonge la réflexion menée, entre autres, par Werner Herzog dans Family Romance, LLC. (2019) – louer des parents de substitution le temps d’un mariage afin d’éviter la honte aux mariés – s’enchaînent des gags sous-écrits qui sont tout à la fois prévisibles et forcés compte tenu de l’évolution des personnages : l’insistance sur un cadrage rempli à moitié, laissant Élodie Fontan seule à droite de l’image, annonce l’arrivée de Lacheau lancé plusieurs fois par les convives du mariage ; la lutte entre familles ennemies, tournée au ralenti comme le faisait Kingsman (Matthew Vaughn, 2014) dans la chapelle, conduit Gérard Jugnot à boxer une vieille dame en pensant frapper son adversaire situé devant elle, idée certainement empruntée à The Campaign (2012) de Jay Roach…
En raison de cette explicitation permanente du comique par la mise en scène disparaît tout effet de surprise alors même que le film cultive le dérèglement : le défouloir cathartique est recherché pour lui seul, apparaît d’ailleurs comme l’unique justification à l’existence même de cette suite. Or, lorsqu’il vient, rien n’advient. La séquence de guéguerre entre les deux fiancés tombe tel un cheveu sur la souple : gratuite, inutile, elle n’est pas motivée par les événements précédents ; elle ouvre sur une séquence de réconciliation tout aussi forcée qui s’inspire de Rock’n roll (Guillaume Canet, 2017) avec son recours aux chansons populaires francophones, filé par la présence éclaire de Pascal Obispo puis Patrick Fiori.
À ce défaut majeur répond un second : la double impression de regarder une production inoffensive – n’ayons pas peur de dire lâche ! – et soucieuse de cocher les cases du divertissement populaire au carrefour des anciens. Le drone percute une colombe et la dézingue…sans lui faire de mal : un plan d’une seconde la montre en vie. Souffrant de narcolepsie, Mehdi travaille à La Poste, seul lieu où ses endormissements subits passent inaperçus ! pourtant, le film n’ose pas l’attaque et se rachète par un plan de clausule sur un facteur apportant à Grégory une lettre qui lui sera vitale… Deux exemples de ce renoncement à mener les situations jusqu’à leur terme en acceptant méchanceté, cynisme et cruauté. Ne reste qu’une aseptisation générale qui contraint Alibi.com 2 à s’achever comme il a commencé, qui transforme le spectateur en un amnésique qui, aussitôt sorti de la salle, a oublié ce qu’il vient de voir. Quant à la case du divertissement populaire, interviennent ici Gérard Jugnot (le Splendid), Didier Bourdon (Les Inconnus), Medi Sadoun (les films de Philippe de Chauveron), Alexandra Lamy (Un gars, une fille), Gad Elmaleh (stand-up), au côté desquels jouent les membres de ladite Bande à Fifi, visiblement occupée à rassembler autour d’elle une tradition comique qu’elle galvanise ou pense ressusciter. Un film trop rempli et mal rempli qui se vautre dans la débauche, multiplie les hommages proches d’un plagiat fainéant – l’épisode marocain reprend OSS 117 : Le Caire, nid d’espions (Michel Hazanavicius, 2006), dont nous entendons d’ailleurs une reprise du thème de Ludovic Bource – et échoue à construire un comique sur long et court termes.
Un ratage supplémentaire qui place La Bande à Fifi dans une position similaire à celle de ses personnages : le cinéma leur devient un alibi derrière lequel cacher une incapacité, faute de temps et de rigueur, à faire du cinéma.