Alice au pays des merveilles par Jean-François Lac
En soi, un nouveau film de Tim Burton est toujours un événement tant il parvient à renouveler l'univers romantico-goth-baroque qui fait le charme et l'intérêt de ses réalisations. Burton s'est fait un nom et une réputation en proposant au public des histoires bien alambiquées, supportées parfois par des ambiances morbides qu'on ne pensait pas vraiment destinées au grand public. Oui mais voilà : le petit ricain ébouriffé possède un talent fou. Pas vraiment au niveau de l'écriture puisqu'il "récupère" le plus souvent des oeuvres existantes (Sleepy Hollow par exemple) mais bien pour ce qui est de l'adaptation. A l'origine pas vraiment "mainstream", le voici qu'il s'associe aux Studios Disney, loin d'être adepte de culture underground, pour un "Alice in Wonderland" qui s'annoncait halluciné à la vision il y a quelques mois de la bande-annonce. Choc des cultures donc : d'un côté les cadavres, de l'autre les petits oiseaux qui chantent gaiement.
Proposé en 3D (qui reconnaissons le n'apporte pas grand chose), le "Alice in Wonderland" de Tim Burton laisse un peu sur sa faim. En fait, on peut isoler deux composantes principales à cet "Alice in Wonderland" : l'univers créé par Burton et l'histoire.
Sur le premier, rien à dire (en mal en tout cas). Il est rassurant de voir que le réalisateur retrouve de belles inspirations oniriques, un peu délaissées depuis quelques films. Le monde où échoue Alice est enchanteur (Disney a dû être satisfait du résultat...) et conserve ce petit côté inquiétant propre à la créativité burtonnienne. En pénétrant dans les fôrets touffues et les champs de fleurs acidulées du film, on se retrouve en terrain connu. L'alternance entre paysages dénudés et foisonnants contribue à matérialiser un univers imaginaire et à lui donner l'existence d'un continent oublié.
Le soin apporté aux personnages est également à souligner. Là aussi, la relecture de Burton est savoureuse : un chapelier fou habité par un Johnny Depp excellent (mais on aurait aimé encore plus de folie...), un chat au sourire carnassier, une reine blanche mièvre (mais pas sûre d'elle)... Et que dire de Mia Wasikowska (Alice), beauté froide au teint de lavabo, qui incarne à la perfection son personnage.
Jusque là, tout va donc bien. Par contre, lorsqu'on s'attaque au scénario... Avouons le : l'intérêt du film n'est pas vraiment à ce niveau. Faire revenir Alice 13 ans après sa première aventure pour aider ses copains zarbis relève plus de l'anecdote que de l'idée fondatrice. On frôle même parfois le gnan-gnan le plus absolu, tel ce dernier combat livré par Alice pour faire triompher le bien au Pays des Merveilles... Et la mise en scène est également un peu à la ramasse. Certains passages sont désespérement longs...
Bref, on aurait aimé que le fond suive la forme. Mais ne nous plaignons pas car c'est quand même une bonne chose que de retrouver le génie baroque de Tim Burton, bien que bridé par Disney.