Analyse critique du film qui spoile pas mal (je préfère prévenir)
Le spectateur à travers ce film est confronté à une réflexion sur le possible et l’impossible comme le suggère d’ailleurs explicitement cette réplique du film : « le seul moyen d’accomplir l’impossible et de croire qu’il est possible ». Selon cette même réplique, notre imagination aurait une véritable influence sur nos actes. Bien sûr, le film est aussi une réflexion sur le rêve et plus généralement sur la frontière parfois floue entre le réel et la fiction.
Par ailleurs, le film de Tim Burton ne se cache pas de montrer encore une fois assez explicitement, une signification si l’on peut dire psychanalytique taboue du récit de Lewis Carroll qui serait l’illustration de la pédophilie puisque même si dans l’adaptation du célèbre réalisateur, la trame est le voyage d’Alice au pays des merveilles alors qu’elle est âgée de vingt ans et que donc selon la société dans laquelle nous vivons ce ne serait pas illégale qu’elle ait une relation amoureuse avec le chapelier fou ou bien simplement sexuelle avec le valet de la reine mais la donne change lorsqu’elle se souvient que le rêve qui l’amène dans ce drôle de pays, elle le fait régulièrement depuis qu’elle est une toute petite fille. Et ainsi, l’évocation d’une éventuelle relation de nature lubrique avec deux adultes à leur manière déséquilibrés, devient glauque pour les âmes sensibles de Mr et Mme tout le monde. Lorsque le chapelier fou semble reprocher à Alice d’avoir perdu « sa plus- soyance », on peut encore une fois ici y voir une allusion à l’éventuelle perte de la virginité de la jeune femme. La relation ambiguë d’Alice et du chapelier fou est rappelée par cette réplique de ce dernier : « pourquoi faut-il toujours que tu sois trop petite ou trop grande ? » Anne Hathaway, dans ce film toute de blanc vêtue et chevelue joue le rôle de la pureté un peu renversé lorsque Alice lui rapporte l’épée vorpaline et qu’elle la touche d’une façon salace ce qui n’est pas non plus sans rappeler le symbole phallique de cette arme. Que voulez-vous, elle est tellement heureuse d’avoir de nouveau l’épée vorpaline « à portée de main »- mais hormis ce petit écart de conduite nuire à être vivant ne serait pas dans ses principes (normal c’est la gentille). Cette réplique du bouffon de la reine à Alice s’avère aussi lourde de sens et proche de l’annonce d’un viol plus que suggéré : « tu me plais, j’aime ta grandeur » (et ce sur un ton franchement salace). Dans cette même optique, Burton frise la provocation lorsque ce même valet veut faire arrêter Alice pour « séduction illégale » et il en rajoute dans une autre scène en disant : tu n’étais qu’une gamine la dernière fois. Et soudain, il s’avère que le chapelier fou en revoyant Alice ne semble plus pouvoir se contrôler et déblatère un truc qui contrairement aux apparences n’est pas si incohérent qu’il n’y parait : « c’est la taille idéale, c’est la taille parfaite, c’est la taille qu’il faut ! Fesse ! »
Mais heureusement pour les jeunes enfants qui adorent le conte, ils ne devraient pas regarder le film de ce point de vue à moins d’être déjà les petits pervers polymorphes que Freud a osé dénoncer à son époque.
Mais, l’intérêt que peuvent voir les parents dans ce film s’ils ont les yeux avertis est la fameuse morale que l’on est censé retrouver dans tous les contes et qui pourrait aisément être résumée ainsi par rapport à la responsabilité de tout être humain dans le monde réel évidemment : on ne peut pas éternellement fuir quand tout le monde attend quelque chose de nous. Puisque, avant de se retrouver dans un monde imaginaire, Alice apprend que celui qui la courtise à son grand dam depuis un certain temps alors qu’elle ne l’aime pas compte la demander officiellement en mariage ; ce à quoi on s’en doute elle répondra finalement non bien qu’au début du film elle n’en trouve pas le courage. « La seule limite est celle que tu t’imposes », est une autre phrase clé du film autant qu’elle est paradoxale puisqu’elle peut être interprétée de deux façons : un enfant doit y voir une incitation à l’obéissance et au respect des limites que ses parents lui ont fixées alors qu’un adolescent rebelle et un adulte qui nie tout ou partie des conventions peut y voir une façon de revendiquer la liberté humaine à tous les points de vue.
L’autre interprétation qui pourrait faire que certains parents préfèrent écarter leurs enfants de l’écran est celle qui repose sur le fait que certains concepts déjà suggérés par Lewis Carroll sont comme dans la plupart de ces films exacerbés par Tim Burton comme le fidèle leitmotiv- « qu’on lui coupe la tête » !- de la reine qui confère une dimension radicalement violente au film à la lumière de ce personnage particulièrement excentrique et déjà d’une certaine façon effrayante par son apparence. Le chat quant à lui, est magnifiquement monstrueux puisqu’il aide Alice et s’avère faire partie des gentils mais à moins que je n’ai rêvé il peut tout de même tourner sa tête à 360° ce qui n’est pas sans rappeler l’horrible particularité de la diabolique Reagan dans « l’Exorciste ».
De plus, il semble que notre cher Burton fasse l’éloge de la folie puisque certains personnages se sentent gratifiés qu’on les traite de fous alliés et ça ne dérange pas le réalisateur (lui-même peut-être un peu fou sur les bords) de faire marcher son héroïne sur des pierres en forme de…têtes coupées d’autant plus que comme cette jeune femme le dit si bien à son chapelier : la plupart des gens biens sont fous ! (Mais bien sûr allons faire croire ça à des enfants ! ) Quant à la méchante reine, elle, elle adore les exécutions matinales. (Évidemment)
D’autre part, en apparence, l’on peut croire que le pays des merveilles est en fait un paradis ou la nature est préservée et personnifiée puisque les animaux parlent et ne sont jamais vraiment menacés mais si l’on se focalise sur l’obscurité ambiante et l’environnement en lui-même, on se rend compte qu’il pourrait être comparé à un cimetière et donc évoquer de manière implicite la mort et une part des ténèbres.
Par ailleurs, lorsqu’Alice grandit démesurément et qu’elle se trouve nue derrière de la végétation, l’on peut imaginer ici une évocation au personnage d’Eve dans « la Bible » qui est vêtue de la même façon.
-« J’aurais grand plaisir à vous coiffer »-ne peut-on pas voir à travers cette réplique enthousiaste du chapelier une référence au personnage d’Edward aux mains d’argent joué par ce même magnifiquement talentueux Johnny Depp ?
Mais ce ne serait pas su véritable Tim Burton si ce n’était pas Alice qui coupait la tête de la méchante reine. On pourrait dire que c’est la coupeuse coupée ! Tout ça pour dire que ce n’est pas bien de couper des têtes et que pour ça la reine ira dans les limbes ou plutôt dans les » terres du néant ». Si ça n’évoquait pas la mort je trouverais ça poétique. Et après ça, forcément, Alice doit redescendre sur Terre (ou plutôt remonter du terrier ici) parce que comme elle le dit si bien il s’agit de sa vie et c’est à elle de prendre ses décisions.
En tout cas pour conclure, je dirais que pour moi Tim Burton n’est pas un as des contes de fée et qu’il m’a habitué à mieux. Le seul moment imprévisible, la seule idée merveilleusement folle de Burton serait pour moi la petite danse finale qui met d’ailleurs plus en avant Johnny Depp qu’Alice (ce qui n’est pas un mal). Le seul véritable intérêt que j’ai trouvé dans ce film c’est qu’il démystifie le conte et ça c’est vraiment original !