Pourquoi un corbeau ressemble-t-il à un bureau?
Proposer une suite à "Alice in Wonderland" en adaptant "De l'autre côté du miroir" était un pari osé, qui, sous les doigts du magicien du cinéma fantasmagorique, pouvait réconcilier le maitre et son art. Bref, que l'on retrouve un peu de noirceur et de cynisme, mais du vrai, du dur, pas du gothique édulcoré.
Au début, on y croirait presque: charme et maquillage blafard d'une Alice exquise de décalage dans ce monde victorien si rigide. Et puis l'arrivée dans Wonderland/Underland est une petite merveille en soi, des textures, des couleurs, une luxuriance du décor plaisante à l'œil, mystérieuse à souhait, où l'ambiance est posée: nous sommes dans un Tim Burton semblant renouer avec ses bonnes vieilles traditions, avec même un soupçon d'imaginaire visuel. Le design plutôt spectaculaire des créatures et de la Reine Rouge, ainsi que le casting 5 étoiles ne fait que confirmer ces premières impressions.
Les décors sont somptueux. Comment ne pas s'extasier devant le château de la Reine Rouge ou lors de la scène finale du frabiuleux jour? Ce film est une œuvre d'art collective: costumiers, accessoiristes et maquilleurs ont partagé leur talent. Un choix de casting pertinent: Johnny Depp, acteur charismatique hors pair, interprète le rôle du chapelier fou, personnage excentrique, drôle et sincère. Et ne serait-ce que pour le voir guiguendélirer, le film mérite d'être vu. Mia Wasikowska donne à Alice une pureté et une expressivité adéquates, sans oublier Helena Bonham Carter qui parvient à esquisser drôlerie et truculence dans le rôle de la Reine Rouge, vraie méchante de conte mais vraie amoureuse aussi.
Les personnages les plus étranges, voire les plus laids, finissent par nous captiver et nous charmer. Nous nous surprenons à admirer chaque détail de la reine à la tête hypertrophiée. Quant aux personnages purement animés, nous pouvons apprécier leur esthétique réellement sombre. Si dans l'ensemble du film la 3D ne semble pas justifiée, Absolem la Chenille et le chat Cheshire sont absolument époustouflants de réalisme grâce à cette technologie.
"Alice au pays des merveilles" aurait alors pu devenir un énième film d'aventure uniquement divertissant. L'obstacle est contourné, habilement: le film est un vrai trajet initiatique sur le passage de l'adolescence à l'âge adulte, suggérant avec poésie que pour y parvenir, un retour à l'enfance et au pouvoir de l'imaginaire sont nécessaires.