Asperge le mytho
Le dédale nous égare : Ridley Scott, en retournant à ses premiers amours, ne nous en facilite pas nécessairement l’accès : retour du monstre, suite de son prequel, quête des origines, récit fondateur...
le 12 mai 2017
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Ridley Scott est mort. Ce n'est pas possible autrement. Telle la rumeur qui prétend qu'Avril Lavigne est morte, remplacée par un sosie devenue Japan addict et amoureuse des licornes roses qui pètent des arc-en-ciel, Ridley s'est vu remplacé par un sous-réalisateur de catégorie Z non homologué. C'est fini. Heure du décès, s'il vous plaît. J'ai pu défendre son Exodus, j'ai accordé la moyenne à Prometheus, mais je ne soutiendrai pas cette daube. Cette purge. Je n'ai pas les mots, mais je vais quand même tenter de les trouver pour qualifier cet indicible ratage.
C'était comme s'il n'avait rien appris des critiques sur Prometheus. Les mêmes ressorts, les mêmes, sont utilisés, sans volonté de faire évoluer le trait et d'affiner ce dernier, dans une tentative désespérée de rectifier le tir. Le mec ne fait même pas semblant. Les maigres hommages à ses précédentes œuvres en deviennent lassants, vides, creux. Rien ne nous fait tressaillir, ne nous incite à nous redresser sur notre siège en nous disant : "Ah bah ça va peut-être pouvoir démarrer !". Non, non. Rien. On observe une belle grosse bande de baltringues dont on se contrefout totalement paniquer, tout en se marrant et en se demandant comme autant de brêles ont pu se voir engagés pour une mission pareille. Ça hurle, ça fait de la merde, ça tire dans tous les sens et ça fait exploser son propre vaisseau oklm. Super. Paye ton équipe d'explorateurs. Remarque, c'est pas comme si le volet précédent nous avait pas déjà montré qu'apparemment si t'es un gros con qui hurle à la première goutte de sang, qui panique et perd ses neurones à la vitesse de la lumière, bah tu peux totalement être nommé responsable d'une colonie entière composée de 2000 êtres humains. Et ouais. C'est beau le futur, moi j'vous le dis. Ah et puis là on risque pas de gueuler niveau féministes, le quota féminin y est, qu'on se le dise. Puis y'a trois couples rien que dans le crew-équipage, c'est pour vous dire. Très cohérent. Mais bon, on s'en bat les couilles en fait, puisqu'on ne retient même pas le nom des personnages, qu'absolument aucun aspect de leur psychologie n'est exploité (mais genre vraiment, AUCUN, à côté d'eux Elizabeth Shaw c'était une analyse freudienne à elle seule), et leur charisme est tellement inexistant que même leur mort n'apporte pas le moindre frétillement dans les connexions du cerveau. Y'a que dalle, j'vous dis. Que dalle. On en est vraiment arrivé à ce point. On est condamné à regarder Fassbender (dont le fil que prend sa carrière m'inquiète de plus en plus) se branler dans un jeu ennuyeux à en mourir, et dont les deux personnages qu'il incarne représentent peut-être la seule idée à peu près décente du film. Oui, la confrontation entre deux androïdes séparés par une génération entière de mises à jour et de renouvellement quant à leur état d'esprit aurait pu être un sujet passionnant à exploiter, si les ficelles avaient pu être plus subtiles, les dialogues plus réfléchis et les scènes les réunissant plus intéressantes. Idée morte dans l'œuf, on déchante, on se contente d'un embryon de réflexion sur le produit de la création humaine et ses dangers. L'intelligence artificielle fait peur, car capable de perpétrer l'obsédante folie de tous les Dr. Frankenstein du monde. Cette folie censée expliquer l'origine des aliens n'est toutefois ni satisfaisante ni intelligente.
Nul espoir n'est distillé dans Covenant. Pas le moindre message contrebalançant cette descente aux enfers de la robotique. Les humains sont abrutis, anti-solidaires, s'entretuant sans réfléchir et faisant passer leurs intérêts et leurs passions avant leur mission, leur devoir sacré et le bien du plus grand nombre.
Quant au casting... On a franchi de loin le seuil de la catastrophe. Michael Fassbender vieillit à vue d'œil, et mal. Son jeu s'enlise, son regard se ternit. On ne peut plus dommage pour celui qui avait réussi à propager son feu sacré dans 12 years a slave et Shame. Katherine Waterston est aussi molle et insupportable à regarder que son personnage est niais et à côté de la plaque. N'est pas Sigourney Weaver qui veut, n'est-ce pas ? Apposer un physique androgyne sans grâce et sans flamme n'est certainement pas le moyen de rendre hommage à l'iconique Ellen Ripley. On passera sur l'apparition d'une brièveté presqu'embarrassante du largement surestimé James Franco, dont les 30 secondes à l'écran ont suffi pour me foutre en rogne dès le début du film. On passera aussi sur les pseudos débiles des personnages secondaires (Tennessee ? Vraiment ?), incarnés par une tribu de bolosses sans âmes qui retourneront probablement terminer leur carrière sur Sci-Fi dans les prochaines années.
On a beaucoup craché sur Damon Lindelof, mais force est de constater qu'en dépit des sérieuses faiblesses de Prometheus, un semblant de carcasse maintenait debout le métrage précédant Alien Covenant. Et l'absence du scénariste probablement le plus décrié d'Hollywood s'en fait terriblement ressentir ici. Par ailleurs, les interminables revirements adoptés par l'équipe technique du film durant ses années de production ont bel et bien trahi une incertitude plutôt révélatrice. Aucun projet solide sur le papier : juste des petites mains pétrifiées par les avis des fans, prêts à abandonner une idée construite depuis plusieurs mois juste par peur de ne pas faire assez de fric pour continuer à entuber toute une population qui a décidé de donner, encore, sa chance à Ridley Scott. C'est bien la peine de créer sa propre boîte de prod' et de se clamer indépendant si c'est pour continuer de chier dans la colle à ce point, en fait.
La bande-sonore du film confirme la médiocrité de Jed Kurzel, incapable de faire autre chose que reprendre les mélodies préexistantes, balançant les notes nostalgiques à la gueule de ses spectateurs pour leur faire croire qu'ils se trouvent bel et bien en train de mater le digne successeur d'Alien, le 8e passager. On en est loin. Très loin. Et ce ne sont pas les dernières scènes pseudo-angoissante et incapables de recréer la sensation de huis-clôt, qui attesteront de l'inverse.
Les effets spéciaux quant à eux, dégueulent de numérique sans laisser planer le doute. L'excès répond à l'époque friande de cette illusion qui ne pourra jamais remplacer certains compromis d'antan. Le résultat semble faux, plastique, puant.
Asimov aurait peut-être été intéressé par le dilemme écrit pour le personnage de David, et il aurait sans doute raison. Le potentiel est là. Le retournement de situation classique qui veut que l'homme ait tué Dieu, et que les robots achèveraient l'Homme était tout à fait plausible et excitant à exploiter. Mais une fois encore, la course au fric aura achevé de fourvoyer ce qui fut autrefois un visionnaire, un superbe vendeur de rêve, et l'auteur du film qui marqua, marque et marquera à jamais mon esprit de cinéphile.
Alien Covenant est une blague, une plaisanterie grossière qui ne vaut même pas l'argent dépensé pour un pack de bières et une pizza entre potes.
La beauté et la puissance d'un Gladiator semblent bien loin.
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le 22 sept. 2017
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