Impossible de passer à côté de l'adaptation de l'œuvre monstrueuse de Zola.
Monstrueuse, pour ses pauvres hères, ces ouvriers noircis de charbon, vomissant la poussière sombre par tous les pores, titubant dans le clair-obscur, abrutis de travail, de faim et de fatigue. Monstrueux, le mécanisme, la machine qui avale les hommes pour les conduire dans son ventre, cette mine impitoyable, mal boisée et dangereuse.
Monstrueux, le grisou, monstrueux les patrons inhumains, monstrueuse la jalousie, la haine, l'abysse qui sépare le monde ouvrier de la bourgeoisie.
Fidèle à l'intelligence du roman, le film ne se contente jamais de manichéisme. Il respecte la profondeur psychologique des personnages dont chacun apporte sa pierre à l'édifice. Il n'existe ni d'ouvrier gentil, ni de patron méchant.
Germinal, c'est l'histoire du monstre capitalisme, qui a envahi la société et s'emploie à couper les ponts entre patronat et salariés. On ne sait plus à qui appartient vraiment la mine, on ignore à quoi ressemble le visage de ces actionnaires trop loin pour se soucier du prix du pain et des contremaîtres braillards. Le capitalisme ne noie pas seulement les mineurs. Il noie les patrons isolés, ceux qui ne dépendent d'aucun actionnaire, s'endettant jusqu'à l'os. Pour eux, "la grève ou augmenter les salaires revient au même : s'ouvrir la gorge".
La cruauté de la vie dans les mines du Nord n'est épargnée à personne. Au-delà de la romance, de la fiction, c'est l'Histoire qui parle. Les révoltes, la Grève, l'armée tirant sur femmes et enfants, le besoin de revanche qui gronde dans le cœur des hommes et couve la haine des femmes, le tournoiement des sentiments broyés par la routine sans pitié...
C'est ça, Germinal.
Inutile de préciser que le casting porté par le monstre Depardieu, le très subtil Renaud et la vibrante Miou-Miou complètent le tableau sordide d'une année de Belle Époque, qui n'a décidément de belle que le nom.