Les androïdes rêvent-ils de jouer à dieu?

Après Prometheus, Ridley Scott continue de malmener sa saga avec cette suite ressemblant à un slasher à gros budget des plus classique. Il poursuit dans sa veine mystique sur l'origine de la vie, en tentant de se détacher de son Alien, tout en voulant satisfaire les fans de l'original. C'est un bel objet visuel, mais d'une telle pauvreté scénaristique dénuée d'originalité, que l'on finit par avoir le rire nerveux face à tant de genânce.


La scène d'ouverture est magnifique. Peter Weyland (Guy Pearce) converse avec son androïde David (Michael Fassbender). Il lui demande ce qu'il voit autour de lui, tout en lui déclarant "je suis ton père". On pense aussitôt à Darth Vader et cela prête à sourire. Peter pense être supérieur à David, mais même si celui-ci obéit à ses ordres, il lui rappelle qu'il est humain et donc mortel. Il dit cela avec un léger sourire. Le propos du film tient dans ce moment, la suite ne sera qu'une succession de scènes n'apportant rien de plus à l'histoire.


Ridley Scott est au crépuscule de sa vie. A bientôt 80 ans, il s'interroge sur la vie et son origine. On retrouve ce questionnement à travers les thèmes apparaissant dans ce nouvel Alien. Tel Janus, il a deux visages et se sert des androïdes pour exprimer ses pensées. Ils en sont le prolongement et prennent la place des xénomorphes dans la saga. C'est un peu perturbant et cela explique le détachement face à Prometheus. On voulait de l'Alien et on a eu des réflexions philosophiques soporifiques. Mais n'oublions pas que dans le premier volet, Ash (Ian Holm) était dans l'équipage pour ramener l'Alien au détriment de l'équipage, tout en cachant son statut d'androïde. Il est à la fois le moteur de l'histoire et le déclencheur du drame. Il redéfinit la place de chacun et la chaîne alimentaire s'en voit modifier. L'homme n'est plus au sommet, le xénomorphe le domine sous le regard bienveillant de l'androïde. Ce dernier a pris conscience de son immortalité en voyant l'homme dépérir sous ses yeux. Il a pris la dimension de sa supériorité et s'octroie le droit de vie ou de mort sur les peuples des planètes de l'univers. Son temps est dévolu au savoir, en absorbant toutes les connaissances mis à sa disposition, en refusant l'oisiveté. Il est en constante évolution et s'attelle à la création d'un être parfait à travers le xénomorphe. Il est devenu un dieu et l'homme n'est plus qu'un moyen de satisfaire sa soif de savoir. On peut noter que les prénoms des androïdes sont ceux des producteurs David Giler et Walter Hill.


Sur ce point, le film est intéressant. Mais cette réflexion se perd dans la prévisibilité d'un scénario aux scènes convenues et déjà vu. Le schéma est toujours le même : le vaisseau a une destination bien précise, mais va en dévier suite à un incident en se dirigeant vers une planète hostile ou se trouve le xénomorphe. Le hasard n'existe pas et l'équipage du Covenant va en faire la douloureuse expérience. On peut se demander pourquoi le vaisseau atterrit à huit kilomètres du lieu qu'ils doivent explorer, mais ce serait pinailler. Par contre, ils vont se séparer, à croire qu'ils n'ont jamais vu de slasher movie. C'est le début de la fin. Un des membres va se griller une cigarette et va le payer cher, car comme on le sait tous : fumer, tue. On va aussi avoir droit au fameux : la curiosité est un vilain défaut. Par chance, un chevalier Jedi va venir à leur secours. Après "je suis son ton père", cela commence à devenir un peu agaçant ses similitudes avec Star Wars. En plus, Michael Fassbender ne semble pas avoir encore quitter son costume du navrant Assassin's Creed et se balade avec une capuche sur la tête. Les androïdes seraient-ils frileux du crâne?


Le film ne faisant pas preuve d'imagination, on va retrouver des similitudes avec les Alien précédents. Daniels (Katherine Waterston) est une version fragile d'Ellen Ripley (Sigourney Weaver). La femme était le personnage principal de la saga, en étant pas un objet de décoration grâce à sa force de caractère. Daniels va vivre un traumatisme et avoir les yeux humides, ce qui est assez compréhensible. La perte d'un être cher a des répercussions psychologiques insoupçonnées sur l'humain. Elle va se retrouver en débardeur, mais pas en petite culotte. Elle est surtout la protégée de Walter et David. Ils sont amoureux d'elle, mais chacun à sa manière. Les androïdes ont-ils des sentiments ou plutôt rêvent-ils de moutons électriques? Le lien avec Blade Runner se fait ressentir avec l'influence de Philip K. Dick sur Ridley Scott. La fragilité du personnage n'est pas agaçant, c'est plutôt l'actrice qui l'interprète qui est pénible. Elle n'a pas de charisme et ressemble à la version jeune de Valérie Lemercier. Sa crédibilité en prend un sacré coup, surtout qu'elle n'évolue pas au fil de l'histoire. Son cas n'est pas isolé, Oram (Billy Crudup) avait une carte à jouer en tant que croyant, mais son personnage n'est pas développé et se révèle profondément stupide. C'est un peu le même constat pour la plupart des membres du Covenant, à part Walter, puis David.


Pour satisfaire les fans d'Alien, Ridley Scott va nous offrir un peu d'action. Un des nombreux reproches fait à Promotheus était l'absence de xénomorphes. Il rectifie le tir et va nous mettre un peu de sang pour satisfaire le primate qui sommeille en nous. La première scène sanguinolente est presque réussie par l'irruption soudaine d'une violence surprenante. Malheureusement le sang rend le sol glissant et les protagonistes vont se ridiculiser en se vautrant lamentablement. Ce n'est pas possible de prendre au sérieux ce moment, ni l'hystérie qui s'empare de l'un d'eux et va avoir des conséquences dramatiques sur l'équipage. Certes, il y a une variante, le xénomorphe ne sort plus par le ventre, mais par le dos, du moins pour l'instant. Ce n'est qu'un léger changement dans un film qui ne fait que recycler ses propres idées. La mécanique va avoir raison d'un xénomorphe comme dans Aliens et depuis Prometheus, la saga suit un chemin mystique déjà aperçu dans Alien 3.


Le film finit par ressembler aux couloirs du palais dans lequel l'équipage va trouver refuge. On se perd dans ce labyrinthe. C'est l'antre du Dr Frankenstein, mais surtout celui de la folie. On en revient à la création, aux questionnements sur l'origine de la vie et on constate que les personnages se séparent à nouveau pour mieux se faire massacrer. Le sommet du ridicule est atteint avec la scène de la douche digne des pires slashers. Elle est gratuite et inutile. Dans l'espace, personne ne vous entendra soupirer devant tant de niaiseries. C'est tellement convenu et prévisible, que cela en devient risible comme le coup de théâtre final que l'on voit arriver à des millions d'années lumières. On touche le fond et pourtant, on sera dans la salle pour voir le prochain volet. Cet univers reste fascinant, comme son xénomorphe, même s'il n'effraie plus grand monde. Le film comble un manque dans la science-fiction et peut se contenter de ne pas nous offrir grand chose, on y va quand même, en espérant retrouver le frisson de son premier Alien.


Ridley Scott semble vouloir se confronter au 2001, l'Odyssée de l'espace, mais ce n'est pas un réalisateur cérébral comme Stanley Kubrick. Il ne réussit pas à rendre son film aussi passionnant que sa réflexion sur la vie et ne convainc toujours pas avec la nouvelle direction qu'il donne à son Alien. L'angoisse n'est pas au rendez-vous, ni même la peur et encore moins le plaisir de se retrouver dans la salle devant cette oeuvre ne valant plus que pour sa qualité visuelle.

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le 11 mai 2017

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Laurent Doe

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