Après lui avoir volé sa vie, tuer sa fille, et lui avoir enlevé ce qui restait de sa féminité avant de la jeter dans un puits de lave en fusion, que pouvait-il encore arriver de pire à Ripley, si ce n’est d’être ressuscité pour vivre un nouveau cauchemar. Et oui, il ne suffit pas de faire mourir son héroïne pour enterrer une franchise lucrative. Hollywood qui n’est plus à une résurrection près sait comment dupliquer l’ADN de ses meilleurs succès pour en exploiter le filon jusqu’à épuisement. Heureusement, chaque épisode de la saga a cette particularité de bénéficier systématiquement d’une nouvelle vision permettant au mythe de renaître et de perpétuer la lignée. « Le français qui a décroché le job en or » titrait Variety. Au sortir de La Cité des Enfants Perdus, Jean Pierre Jeunet devient alors l’heureux élu d’un enfant déficient qu’aucun des cinéastes ciblés par la production (Peter Jackson, Danny Boyle, Paul W.S. Anderson, Bryan Singer) n’a voulu. Alien Résurrection amorce donc la dégénérescence inévitable de la série ce que le français va orchestrer au pied de la lettre avec un scénario traitant des dangers et dérives du clonage et de la génétique.


D’abord réticente à l’idée d’affronter une nouvelle nuée de xénomorphe, Sigourney Weaver changera d’avis contre un juteux cachet de la valeur du budget du premier volet, soit 11 millions. Elle y voit surtout l’occasion d’explorer une nouvelle facette de la personnalité de son personnage, une part plus animale que la pire des bêtes. L’histoire se déroule 200 ans après les événements intervenues sur la planète-prison Fiorina 161. Ripley n’a pas été ramené à la vie mais bien dupliqué par un affreux docteur Mengele qui aimerait bien pouvoir domestiquer la race des xénomorphes afin de lever une armée. Mais pour accroître la population il faut des cobayes destinés à jouer les nourrices, ce dont un groupe de pirates de l’espace va s’acquitter en livrant une cargaison d’humains destinés à l’abattoir. Evidemment, les créatures vont parvenir à se libérer de leur prison afin de semer la mort et la destruction au sein du vaisseau. Une lutte pour la survie s’engage alors pour les survivants du Betty accompagné de Ripley qui devra faire le choix de renier ou d’embrasser ce qu’il reste de son humanité.


Contrairement à ses confrères, Jean Pierre Jeunet n’a pas réellement souffert de contrariété sur le tournage qui s’est déroulé sans ambages ni conflit artistique, bénéficiant d’un budget élevé à hauteur de 70 millions. Les producteurs semblent avoir appris de leurs erreurs en accordant les clés du camion au réalisateur qui y a apporté sa french touch et ses excentricités. La production a d’ailleurs été délocalisé à Los Angeles à la demande de l’actrice (également co-productrice), ce qui évitera toute mésentente avec les équipes techniques du studio de Pinewood en Angleterre. Le cinéaste aura même l’opportunité de s’entourer de ses proches collaborateurs et techniciens. Marc Caro son ancien directeur artistique aura la charge de conceptualisé plusieurs costumes, Pitoff aura les effets spéciaux, et Khondji la photographie, tandis que Ron Perlman et Dominique Pinon figurent à l’affiche de cette distribution cosmopolite. Seul le scénariste Josh Whedon lui fera part de son mécontentement, mais comme le réalisateur ne comprenait pas un traître mot d’anglais, cela ne changera rien à l’entreprise. Cette édition longue a également le bon ton d’exploiter une scène introductive qui permet de mieux mettre en perspective cette affirmation qui voudrait que le plus fort écrase toujours le plus faible. Ces rapports de force seront au coeur de l’ouvrage entre les différents protagonistes du film (le lancée de couteaux dans les jambes d’un éclopée, la partie de basket musclé avec Ripley, l’inversion des rôles entre Dominique Pinon et Gary Dourdan lors de l’ascension d’une échelle de secours) et les créatures (le caractère anthropophage du « Newborn »). La conclusion diffère également quelque peu, et permet à Ripley de retrouver une Terre dont le seul attrait est une carte postale apocalyptique d’un Paris totalement dévasté. Un clin d’oeil chauvin que les français auraient tort de bouder.


En synthétisant ce qui a fait le succès des précédent opus, Jean-Pierre Jeunet parviendra à accommoder son programme, alternant entre les scènes horrifiques contractuelles, les pochades délirantes, les séquences d’action et une surenchère d’effets gore. Le cinéaste va ainsi profiter des expérimentations génétique et du clonage qu’abordent le scénario pour lui même altérer son image oscillant entre des teintes de jaune, de vert et de rouille. Si l’atmosphère sinistre et inquiétante ne dépareille pas avec les canons de la saga, le ton du film lui change parfois de manière radicale quitte à friser la série B décérébré voir la parodie volontaire. Il est évident que le réalisateur a tenu à tordre et malmener le mythe plus que de raison pour tester les limites de l’institution et marquer son territoire en livrant une oeuvre hybride, qui ne soit pas en contradiction avec le cahier des charges ou avec ses propres obsessions. Le propos du film se dessine ainsi dans la naissance de ce rejeton difforme et pathétique qui finira par se vider de sa substance moelle et qui tire toute sa dégénérescence d’une aberration aussi bien sur le plan génétique qu’artistique.


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Le-Roy-du-Bis
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le 15 août 2024

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