La tendance est connue : lorsqu’une franchise a été essorée mais que les studios sont bien conscients d’un reste de potentiel en dépit des déceptions précédentes, rien de tel qu’un bon retour aux sources. Faire revenir les personnages de l’opus originel (Jurassic World, le monde d’après, Terminator : Genisys), titrer avec le prénom/patronyme du personnage pour un recentrage intime (John Rambo, Rocky Balboa, Jason Bourne) ou carrément proposer un remake à peine détourné du premier opus (Le Réveil de la Force).
Alien : Romulus opte clairement pour cette dernière option, en y ajoutant des éléments de dépouillement, comme un cast dénué de grandes stars confirmées, un ancrage dans la chronologie assez anecdotique, et l’ambition d’un bon petit film d’horreur par l’emploi d’un réalisateur ayant fait ses armes dans le genre. Une modestie maline, qui confère une ambition presque saine, à l’abri de la grandiloquence, soutenue par une campagne de promo vantant la tendance du pseudo « No CGI » où l’on communique sur la création de créatures « practical », comme au bon vieux temps. [sur ce sujet et son ambivalence, je ne saurais trop vous recommander la très intéressante série de vidéos de la chaine The Rabbit Hole, "NO CGI" is really just INVISIBLE CGI »
Toutes ces précautions valent au film sa réussite, alors qu’on aurait pu précisément lui reprocher son inutilité dans le lore général, son fan service et son absence assumée d’originalité. Alien : Romulus est un hommage très clair au premier opus de Ridley Scott, et un exercice de variations sur les incontournables de la franchise. La part belle accordée aux facehuggers montre une véritable affection pour toute la mythologie, et une volonté de pallier les effets avant l’arrivée du xénomorphe, dont toutes les aptitudes seront méticuleusement exploitées. Le scénario, élémentaire, sait jouer avec les impondérables sans verser dans la surenchère : un fond idéologique préoccupé par la dévoration de l’humanité par les Multinationales, cette inquiétude tenace à l’égard des humanoïdes, toujours prompts à s’émanciper ou verser dans des directives où l’homme devient une valeur dispensable, et l’avènement d’une amazone révélant une féminité badass, portée par une Cailee Spaeny qui ne démérite pas en héritière de la légendaire Ripley.
Mais dans ce huis clos poisseux qui s’autorise quelques séquences assez horrifiques, c’est bien l’esprit du premier volet qui prévaut : la direction artistique, très soignée, fait la part belle aux décors et aux intérieurs métalliques, striés de lumières rasantes et de néons blafards, de goulots suffocants, et à une informatique résolument vintage. Le travail assez fréquent sur les images retransmises par le biais de moniteurs cathodiques ajoute à cette imagerie, et sait en tirer parti sans verser dans l’esthétisation inutile. L’action, linéaire et sans afféteries, s’avère efficace, jouant des variations et des clins d’œil, comme le compte à rebours pour la destruction du vaisseau, cette fois par le crash sur un très graphique anneau planétaire, ou une recherche sur les armes qui renvoie plus au ton du deuxième volet de Cameron. On saluera quelques belles idées, comme les purges de gravité et l’acide en apesanteur, et une mise en scène qui sait rester près des corps en exploitant toutes les ressources de l’espace exigu.
Cette modestie en a néanmoins effrayé certains, qui se sont sentis obligés d’apporter quelques innovations, lorgnant cette fois davantage du côté d’Alien Resurrection : l’hybridation et la naissance d’une nouvelle créature, avec les mêmes limites d’une laideur, voire d’un grotesque parfaitement dispensable.
On peut comprendre la crainte de s’en tenir à une stricte répétition des enjeux précédents, qui aurait été considérée comme une absence de prise de risque. C’aurait en réalité été une belle audace que de résister à cette surenchère qui ne doit pas faire oublier le talent avec lequel Alvarez a payé son tribut à ses prestigieux aînés.
(7.5/10)