Alors qu’on nous présente Alita comme une nouvelle venue sur les grands écrans, il sera difficile de chercher du côté de l’étonnement pour l’apprécier. Arlésienne des projets de James Cameron, Battle Angel est depuis longtemps dans les cartons, adaptation d’un manga qui fait autorité, qu’il finit par confier à Rodriguez dont on connait la capacité à manger à tous les râteliers, de Spy Kids à Sin City en passant par Machette.
Et de fait : on pourrait faire un jeu un peu désabusé qui listerait, pour chaque séquence, les modèles convoqués. Les optimistes y verraient un hommage, les autres une paresse d’inspiration. Quoi qu’il en soit, il est difficile de trouver un quelconque originalité à ce nouveau blockbuster : des décors qui reprennent la sempiternelle fracture sociale à dimension géographique (ville du haut pour l’élite, bas-fonds pour les gueux, comme Metropolis, Elysium et tant d’autres), protagoniste humanoïde enfant à la recherche de ses origines et de ses sentiments bien humains (A.I., Blade Runner, cité aussi dans une scène de baiser sous la pluie qui pompe même quelques notes de musique), méchantes élites, aptitudes d’exception, première version bricolée avant l’ultime armure (Spider Man, Iron Man, etc…), convoitise, compétition, etc., etc., etc.
La gêne est d’autant plus présente que le film digère assez mal la masse qu’il adapte. L’exposition très expéditive en témoigne, alignant en quelques minutes la naissance du personnage et la présentation d’un monde futuriste avec une décontraction assez déconcertante, sans qu’aucune fascination ne puisse poindre. Si la suite se pose un peu plus sur certains aspects, on sent régulièrement des sorties de route et le hachoir d’un montage qui craint de s’embarrasser des séquences entre deux morceaux de bravoure. C’est d’autant plus regrettable que le foisonnement des questions abordées donne clairement envie qu’on s’y attarde : le passé fragmenté du cyborg, cette excursion dans les terres sauvages, le rapport au père, la question des sentiments ou de l’instinct de la tueuse auraient pu considérablement approfondir une intrigue qui privilégie trop les thématiques teenage passe-partout.
Le seul fait de se retrouver à souhaiter qu’un blockbuster de cette trempe s’allonge d’une demi-heure est en cela symptomatique : Alita est un bon film de divertissement, doté d’un très fort potentiel, et qui plane bien au-dessus des warriors de sa catégorie. Rodriguez et ses équipes ont notamment su tirer parti d’un défi de taille : que faire, lorsqu’on vous présente un héros invincible, pour encore exciter et impliquer le spectateur ? traduire les enjeux dramatiques en termes d’action visuelle.
« C’est de la magie ? » demande Alita à son compagnon, devant la ville flottante qu’elle découvre. « Mieux que ça : c’est de la technologie ». Le film entier repose sur ce précepte qui fait loi dans les blockbusters, et à l’aune desquels on peut juger du réel talent de ses artisans : en résulte une bouillie numérique illisible (en gros, souvent, DC) ou un véritable parti-pris graphique.
En convoquant d’autres références comme Mad Max ou Rollerball, le film parvient à allier dynamisme et inventivité, fun et destruction. La séquence de baston générale dans le bar ou les compétitions de Motor Ball fleurent ainsi bon les années 80, alignant les mandales décomplexées tout en cherchant à magnifier la geste brutale, notamment dans le recours à une 3D qui, enfin, est dignement exploitée. En contre point, la performance capture a du sens, et donne réellement vie à un personnage qui s’intègre parfaitement à la narration : elle parvient à effacer ses traces tout en conservant la présence d’un personnage émouvant issu de l’univers du manga, pour une greffe qui prend avec pertinence.
Univers prometteur, bien que parfaitement balisé, Battle Angel digère donc toute ce qui le précède tout en procurant du plaisir, et sait transformer la technologie en instants magiques : défi de taille pour les artisans de l’usine à rêves que de parvenir à se frayer un chemin vers notre cœur d’enfant.
(6.5/10)