Il est de ces films qui font office de projets de rêves. Quand il à été annoncé au début des années 2000 que James Cameron allait adapter Gunnm c'était inespéré. Le chef d'oeuvre de Yukito Kishiro paraissait tellement infaisable qu'il fallait au moins les moyens gigantesque de Big Jim pour espérer un résultat qui rendrait justice au matériel original. De plus, les univers de l'un et l'autre se faisant échos cela faisait office d'évidence que Cameron était le choix le plus judicieux pour retranscrire fidèlement le monde dépeint par Kishiro. En effet, qui de mieux que le créateur de Terminator pour porter à l'écran l'ambiance déshumanisé post apocalyptique de Kuzutetsu, ou les cyborgs sont légions et ou les êtres de chair sont devenus une rareté ?
Malheureusement, la très longue production va vite prendre un tournant majeur lorsque Cameron va se rendre compte qu'il ne pourra pas bosser à la fois sur Avatar et sur Alita. On comprendra aisément que le bonhomme ai choisi de se consacrer à sa saga, qui reste son projet perso plutôt de privilégier une adaptation aussi prestigieuse soit elle. Problème : Il faut dorénavant trouver un réalisateur capable de faire le boulot, ayant à la fois un sens cinématographique prononcé, une sensibilité d'artiste et une bonne compréhension des tenants de l'univers du manga.
Et là, dans l'incompréhension la plus totale, James Cameron va confier le bébé à....Robert Rodriguez ! Soit l'exact opposé de ce que Gunnm avait besoin.
Attardons nous d'abord sur ce que le film propose en tant que tel : Visuellement c'est somptueux, WETA digital à fait quelque chose de remarquable en achevant à nouveau un véritable travail de titan, l'héroïne est une réussite totale à ce niveau, nous vendant à nous, spectateur, son humanité dés les premiers instants. Tout le film est à l'avenant, proposant à chaque seconde un design poussé et une profondeur de champs véritablement saisissante. Et si les scènes d'actions sont légèrement au dessus de ce que Robert Rodriguez avait l'habitude de nous proposer (comprendre par la qu'elles sont claire et lisibles et globalement dynamique) le véritable défaut majeur du métrage réside dans son écriture : Il n'y a quasiment aucunes scènes de dialogues qui fonctionne. La faute à un script indigent qui n'arrive jamais à tirer le sens de ses scènes vers le haut, une réa qui peine à mettre en valeur les sentiments qu'elles sont sensés nous délivrer et un manque cruel de consistance de tout les personnages qui gravitent autour d'Alita. En résulte une galerie de personnage certes très jolis graphiquement mais complètement désincarnés (alors qu'ils sont sensés être tout le contraire mais j'y reviendrais dans ma seconde partie) qui semblent être là parce que l'histoire l'exige et point barre. Le rythme est bancal, tombant toujours à côté, trop lent quand il faudrait de la vitesse, trop expéditif quand il faudrait prendre le temps de poser une ambiance. Quel dommage de se retrouver gênés par des scènes qui étaient supposées nous faire vibrer par leurs émotions tant leurs exécutions est à côté de la plaque. Quelle erreur de multipliers à ce point les sous intrigues donnant l'impression d'avoir trois films compressés en un.
On pourrais arrêter la critique ici, Alita : Battle Angel ne possédant clairement pas les qualités requises pour être un bon film malgré un sacré potentiel.
Sauf qu'il s'agît ici d'une adaptation. Et si l'on compare le métrage à l'oeuvre originale, le constat devient catastrophique !
Il est évident qu'adapter bêtement en faisant du copier coller n'est pas un gage de fidélité. Au contraire, le boulot du réalisateur est d'extraire ce qui faisait l'essence même du manga pour en proposer une version cinématographique. Mais il y à des libertés qui permettent de tirer le propos vers le haut et des libertés qui font office de contresens. Ici, le rapport avec le manga reste lointain. Iron City est très jolie à contempler, mais est bien trop propre sur elle pour prétendre émaner cette atmosphère si crade et rude propre à la décharge qu'est Kuzutetsu. Sans même un dialogue; le lecteur comprenait d'emblée la violence et le danger inhérent à cette ville ghetto. Pareil pour Zalem, ici complètement sublimé dans sa version cinématographique, faisant office de palais de cristal, véritable bijou de technologie mais qui paradoxalement en perd sa présence écrasante, inébranlable qui pèse sur les habitants du dessous. Le parti pris de s'inspirer en partie de l'OAV est fort regrettable, ce dernier étant profondément médiocre et dont les apports ne faisait que desservir l'histoire. On se retrouve donc à nouveau avec Shiren, un personnage sans aucunes utilité, Makaku devient Grewishka et perd toute la nuance qui le caractérisait pour n'être qu'un ennemi lambda, on à une tentative pas inintéressante de donner plus d'explications à la fibre paternelle d'Ido mais sans que l’exécution soit réussie, ce personnage majeur devenant plat et inintéressant dans sa version film. Quand à Hugo, rare habitant ayant encore une part d'innocence, son alter ego filmique devient un teenager cool en bandana toujours le sourire en coin et un brin je m'en foutiste.
Sans spoiler, le film se permet de réutiliser certains plans du manga en changeant complètement le contexte, au point de donner envie de se facepalmer. Mention spéciale au sort réservé à un personnage très important dont la fonction et la position géographique sont probablement le choix le plus aberrant qu'on aurais pu imaginer. Clairement, si vous êtes un passionné de l'oeuvre de Kishiro, cette adaption risque de faire office de douche froide. Et comme dit plus haut, cette fausse bonne idée de mélanger les intrigues du motorball, des hunters warriors et d'Hugo ça donne juste la sensation déplaisante de tout survoler à la va vite, certains aspects les plus iconiques du manga devenant par la même des éléments de figuration.
Mais allez, soyons bon joueur, et admettons qu'on fasse un peu trop le puriste. Le vrai fond du problème c'est le propos. Ou est l'univers impitoyable et cruel ? La lutte des classes ? La noirceur désespéré ? L'interrogation sur ce que veut dire être humain dans un monde ou la majorité est cybernetisé ? L'absence de manichéisme ? La recherche d'une pureté et d'une vérité comme profession de foi ? Ce maelstrom de concepts universels qui s’entre chevêtre et qui nous touche directement aux tripes, quand de la plus immonde des fanges naît une lueur d'espoir ? Bref, ou sont tout les éléments qui font l'essence même de Gunnm ? Pas ici.
Si le manque de talent de Robert Rodriguez n'est plus à prouver, j'ose cependant avoir l'impression que même Cameron s'est un peu fourvoyé dans cette histoire, en sachant la masse de travail colossale préparé en amont du film, cela serait profondément injuste de tout mettre sur le dos du premier. Je dirais même que tout mauvais qu'il est, la performance capture et la caméra virtuelle ont permis au bonhomme de faire du mieux qu'il pouvais. Hélas, le meilleur de Rodriguez reste insatisfaisant pour une entreprise aussi ambitieuse.
Allez, espérons qu'un jour on aura droit à une série animée digne de ce nom. Un truc produit par Madhouse ça serait chouette non ?