Cruauté, singularité, étrangeté
Festival Sens Critique, 12/16
J’aurais pu faire un jeu de mot pathétique dans mon titre, qui aurait donné « ether-minable », mais c’eût été un peu trop méchant.
Ce film est assez singulier, difficilement notable.
Les reproches sont nombreux : c’est assez foutraque, toutes les parties filmées par les personnages dans une esthétique « found footage » sont assez dispensables et pénibles à suivre, l’ensemble est très composite et franchement long (2h30, tout de même.). Les ellipses et les scénettes qui ne sont pas forcément reliées entre elles ajoutent à la confusion générale, certes volontaire, mais qui n’ont pas toujours une grande cohérence. On a du mal à s’attacher à des personnages dont on ne comprend pas toutes les motivations et les revirements, et le sentiment pointe de temps à autre de se trouver face à du presque n’importe quoi élevé qui se légitimerait par une pose arty. Et ça, ça m’énerve.
Ceci étant posé, il faut reconnaître au film certaines qualités. L’alternance entre la vie officielle des personnages reclus et leur chat en ligne est assez touchante, car elle donne à voir l’invisible de leur souffrance et pousse à prendre en considération ceux qui se taisent.
Car le propos le plus intéressant du film est bien là : donner à voir la cruauté du monde adolescent. Prostitution, racket, harcèlement, humiliations, tout l’éventail des sévices est déplié, témoin d’une société malade où les adolescents dictent aux adultes déboussolés leurs conditions. Cela occasionne de belles scènes, soit en intense retenue (Kuno debout au piano face à la chorale) ou en déchainement de violence.
Autre intérêt du film, son titre déceptif : de cette chanteuse qui obsède les adolescents, nous ne saurons que peu de choses, et sa musique elle-même ne vient que très tardivement, lorsque le récit s’intensifie vers la tragédie.
Le discours fumeux sur l’éther prend ainsi sens : c’est vers l’immatériel, la musique, le silence, la chute, l’envol, les espaces cybernétiques que s’élancent ces ados en recherche de paix et de substitut à la violence du réel.
(5,5/10)