J.C. Chandor nous livre une mise-en-scène minimaliste et sans prétention. Pari réussi!
Pour cette histoire d'un homme livré à lui-même dans l'immensité de l'océan, J.C. Chandor opte pour une mise-en-scène purement minimaliste, sans aucune prétention, diamétralement opposée à son homologue spatial : "Gravity". Quant à Robert Redford, l'acteur brille dans son rôle de veil homme de la mer.
A peine un mois après "Gravity" paraît "All is Lost", nouveau film sur le combat d'un individu livré à lui-même et perdu dans un espace immense sur lequel il n'a aucune emprise. Le film de J.C. Chandor se montre cependant diamétralement opposé à son homologue spatial, et ce même si chacun des deux films possède bien des points en commun. La principale différence se constate dans le choix de mise-en-scène du réalisateur.
Le scénario de "All is Lost" est presque totalement dépouillé de dialogue et ne remplit que 32 pages pour un film qui dure 1h46 (la norme aurait été que le scénario soit d'une bonne centaine de pages). Ce film est également le premier, depuis plus d'un siècle, à ne compter qu'un seul acteur et un seul réalisateur/auteur, tout en ayant pas moins de 17 producteurs, toutes catégories confondues (producteur délégué, associé, exécutif...). Voilà donc un énorme défi que soulèvent là le réalisateur J.C. Chandor et son acteur Robert Redford.
Le premier constat qui peut être fait du film est cette sensation cosmique de calme et de quiétude qui s'en dégage, comme un sentiment de sécurité face à tous les dangers auxquels est exposé le personnage incarné par Robert Redford. Redfort tient ici vraisemblablement l'un des meilleurs rôles de sa carrière, si pas le meilleur, en incarnant cet homme de la mer dont on ne sait absolument rien, et ce du début jusqu'à la fin. La présentation du personnage est volontairement abandonnée pour laisser directement place à l'action dès la première image du film : l'homme, endormi dans son bâteau, se réveille après avoir entendu un craquement et s'aperçoit que de l'eau rentre dans son bâteau...
Face à cette situation, l'homme réagit avec le plus grand calme, prend le temps de protéger un livre de l'eau qui s'accumule, monte sur le ponton pour analyser l'origine du problème et, une fois informé, il trouve la solution au problème et procède à la réparation des dégâts. Si "All is Lost" nous évoque aisément le roman "Le vieil homme et la mer" d'Hemingway, un rapprochement peut également être fait avec le plus récent "Gravity" d'Alfonso Cuaron. En effet, les deux films traitent à peu près du même sujet, même si le décor est totalement différent. En soi, "All is Lost", c'est "Gravity" dans la mer, une méditation sur la vie et la mort, le rapport entre l'être humain et la nature qui l'entoure, entre l'extrêmement petit confronté à l'extrêmement grand.
Seulement, là où "Gravity" nous offrait un spectacle visuel et sonore époustouflant digne d'un blockbuster hollywoodien, "All is Lost" aborde son histoire avec beaucoup plus de réserve et de discrétion. Contrairement à "Gravity", nous avons ici affaire à un personnage qui maîtrise la situation avec calme et patience alors que son homologue astronaute avait tout du profil torturé propre aux blockbusters communs à sensations. L'âge et le sexe du personnage ne sont pas pour rien également dans la différienciation des deux films. Redfort incarne ici un homme âgé et expérimenté, qui fait face aux problèmes en appliquant son savoir-faire dans la mesure de ses capacités, qu'il sait limitées, et sans perdre espoir.
La technique de J.C. Chandor consiste ici à dépouiller toute l'histoire du maximum de dialogue, d'action et de renseignements sur le personnage et sur ce qui l'entoure, le tout pour ne garder que l'essentiel à ses yeux. Aussi, Chandor opte ici pour un art purement suggestif, un cinéma qui ne parle que par ses images, ses sons et ses musiques, presque sans le moindre dialogue et sans la moindre expression du visage. Dans le même ordre d'idées, au niveau du fond, il ne s'agit pas d'intégrer une morale ou un message de manière concrète dans le film mais plutôt de laisser à la suggestion tout son pouvoir, et d'élever le spectateur à un niveau qu'on pourrait qualifier d'universel ou encore de "cosmique", un niveau que le commun des mortels sera à même de comprendre et de suivre.
A ce récit se rajoutent des péripéties, des situations difficiles et d'autres plus paisibles, qui apportent de la profondeur au sens global du film, ou plutôt au sens que le spectateur donne au film. Sans la moindre prétention, J.C. Chandor nous propose une mise-en-scène épurée et minimaliste, et pourant qui a le soin du détail. La richesse du film se trouve en effet dans ses détails, qu'il s'agisse de plans divers, tels que des gros plans d'insert, des longs plans sur le visage de Robert Redford, ou encore des plans sous-marins épris d'une certaine poésie, qu'il s'agisse du jeu réservé et des variantes d'expression de Robert Redford, ou encore qu'il s'agisse de sons discrets ou de musiques à peine distinguables et pourtant très suggestives composées par Alexandre Ebert... Ce sont tous ces infinis détails qui s'accordent ensemble pour rendre le film émotionnellement prenant, à la fois cohérent avec lui-même et avec sa mise-en-scène porteuse de sens.