En 2001, alors que cela fait 40 ans qu’il se rend régulièrement au marché du film de Cannes (qui a lieu lors du Festival), Lloyd Kaufman, mythique réalisateur de la non moins mythique Troma, embarque avec lui une petite caméra pour, dit-il, réaliser un documentaire sur : « comment vendre un film indépendant ». Il nous montre les économies de bout de chandelle auxquelles il se doit de sacrifier pour rentrer dans ses frais, mais aussi les nombreux bénévoles qui l’accompagnent et qui l’aident à promouvoir ses films. En effet, comme il a peu de moyens, l’homme filoute, truande, et organise une série de « coups » afin de faire parler de lui, à grande force de défilés dans la rue, et de Tromettes à moitié à poil avec des autocollants « Troma » en guise de cache-tétons ; si elles s’embrassent, c’est encore mieux. Le but du jeu : choquer, faire n’importe quoi, du moment que cela permet de faire parler d’eux, et tant pis si cela emmerde le monde ou qu’on leur refuse l’accès à certains endroits.

Si le documentaire commence effectivement à la manière d’un documentaire, c’est-à-dire en expliquant comment s’en sortir à Cannes ou comment vendre un film – et il en vendra quelques-uns – nous sombrons rapidement dans le grand n’importe quoi, dans les démonstrations de la Troma Team, mais aussi dans les tensions, notamment avec Warner Bros pour une sombre histoire de chien… Ces mecs-là ne font pas dans la discrétion, mais pas la peine de rêver : ils sont les seuls à pouvoir se le permettre, et ils n’ont de toute façon peur de rien. C’est d’ailleurs étonnant, car Lloyd Kaufman a pourtant l’air d’un homme affable. Mais niveau commercial, il gère ; s’il apprend qu’un de ses employés ou de ses bénévoles a fait une connerie, sa première réaction consiste à s’assurer que les autocollants « Troma » étaient bien visibles. Juste au cas où.
Évidemment, qui dit Cannes dit vedettes. Mais à part Quentin Tarantino, peu de stars de premier plan semblent les connaitre. Heureusement, nous croisons aussi les deux acteurs français de Terror Firmer : Edouard Baer et Ariel Wizman, lesquels sont ravis de se lâcher en compagnie des cinglés de chez Troma. Baer poussera le vice jusqu’à inviter Kaufman à une émission de radio avec… Claude Chabrol ! Malheureusement, nous n’en verrons qu’un court extrait.

Ce film n’ayant finalement de documentaire que le nom, le réalisateur s’amuse comme un petit fou avec son montage, ses sous-titres, et ses inter-textes, faisant preuve d’énormément d’humour, de cynisme, et d’auto-dérision ; et il lui en faut, car la réalité n’est pas spécialement sympathique pour les indépendants à Cannes. Ainsi, si nous en croyons les sous-titres, nous apprendrons que Claude Chabrol adore Toxic Avengers IV.
All the love you Cannes est quand même assez triste dans la mesure où, mine de rien et même s’ils le cherchent un peu, ils s’en prennent plein la gueule. Le coup du chien est assez éloquent. Quand tu es un indépendant, les majors te traitent comme de la merde. Certes, le film est totalement partial, mais là, nous sentons qu’ils en ont gros sur la patate.
Quoi qu’il en soit, cette expérience étrange nous offre la possibilité d’observer la face cachée du Festival de Cannes, celle du marché du film et qui emmerde les autochtones. Rien que pour ça, nul doute qu’il mérite le coup. Et puis, c’est du Troma, donc c’est excessif.

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le 12 juil. 2013

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Ninesisters

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