No blues for the clues

Après 3 premiers films qui se sont tous plantés au box-office, Tsui Hark est contraint de revoir ses ambitions à la baisse et doit livrer une production commerciale s'il ne veut pas griller sa carrière. Il se tourne naturellement vers la comédie populaire et livre donc ce All The Wrong Clues (For The Right Solution) qui cartonna au box-office permettant la concrétisation de Zu, les guerriers de la montagne magique.

C'est un divertissement sympathique sans la moindre prétention qui fait la part belle à ses comédiens : George Lam, Teddy Robin, Eric Tsang, Karl Maka ou John Sham dans un caméo.
Tous font leur show sans tomber dans le cabotinage mal calibré (par chance Dean Shek n'est que producteur !) et Georges Lam se révèlent assez classe avec un flegme salutaire. Comédie cantonaise oblige, on n'est pas chez Lubitsch et ça gesticule ou grimace régulièrement mais l'humour n'est pas le plus rude d'accès. Les gags et les situations sont assez inégaux sans atteindre ni des sommets ni des abymes malgré 2-3 moments un brin longuet. On sourit davantage qu'on ne rit en appréciant que la comédie ne tendent pas vers le graveleux et le vulgaire.
On retrouve un sens de l'absurde parfois réjouissant (Teddy Robin et son maniement des armes à feux, le briquet géant, Karl Maka uniquement photographié de dos...)

Il faut en revanche reconnaître que Tsui Hark emballe sa commande avec un certain savoir-faire technique. Le rythme est soutenu et assez enlevée avec quelques réelles trouvailles. Le cinéaste a aussi pu co-écrire son scénario et ça se ressent avec plusieurs éléments qui annoncent certains de ses films à venir comme Shanghai Blues. L'histoire prend place ainsi durant les années 40, les personnages féminins (même effacées) ne sont pas des potiches et l'ambiance est un pastiche des films noirs américains de l'après-guerre. L'influence visuelle est cependant plus proche de Seijun Suzuki avec plusieurs décors aux couleurs pop ou des effets d'éclairages recherchés qui prouvent que le cinéaste ne bâcle pas la réalisation pour une énergie et une fluidité qui sortent vraiment de la moyenne des productions du même genre de l'époque. Il y a une poignée de scènes où Tsui Hark s'amuse comme la longue séquence de baston dans un bar de nouvel an pour du slapstick assez inspiré. Le final dans l'entrepôt ne manque pas de mouvement non plus et fait preuve d'un chouette sens de l'espace et du déplacement. Faut juste aimer les accélérés par contre.
Il y a aussi une séquence assez curieuse avec des blocks de glace rebondissant qui pré-figurent les éléphants de Zu.

Faute de budget, l'ensemble du film se déroule en studio et bricole les extérieurs autant que possible pour éviter la moindre reconstitution : quelques véhicules d'époque et des terrains vagues ou des rues/routes nocturnes, propice à un terrains de jeux foutraque lors d'une poursuite en voiture farfelue.

Totalement mineur évidement mais pas négligeable pour autant même si bien-sûr le film s'adresse avant tout aux amateurs de comédies cantonaise prés Mo Lei Tau. On passe un agréable moment et c'est le principal. Et on voit que Tsui Hark a plus de caractère que les comédies équivalentes de Johnnie To ou John Woo.