C'est probablement une des meilleures comédies de Howard Hawks, qui bien qu'ayant touché à tous les genres, a pu exceller dans chaque, que ce soit en aventure (Hatari), western (Rio Bravo), film noir (le Grand sommeil), fresque historique (la Terre des pharaons) ou encore le drame, le film de guerre, et bien sûr la comédie dont celle-ci est carrément une de mes préférées.
Toute la première partie est un brillant relookage d'un poncif scénaristique vieux comme la comédie américaine : un homme et une femme qui au départ ne peuvent pas se sentir mais qui doivent faire cause commune pour une mission dans l'Allemagne en ruine d'après-guerre, avant de comprendre qu'ils sont faits l'un pour l'autre.
Cette partie est plus banale, mais les tendres ennemis s'unissent pour la vie et rencontrent de grandes difficultés pour rentrer en Amérique. Après avoir installé un aspect de comédie gentillette, Hawks se déchaîne en faisant preuve d'une inventivité dans les situations comiques, et en exploitant des thèmes comme la guerre des sexes et l'inversion des rôles, thèmes qu'il utilise à fond puisqu'il va jusqu'à travestir Cary Grant en femme, et l'acteur qui incarne un Français, semble se prendre au jeu en n'hésitant pas à jouer de cette ambivalence.
Cette situation touche alors au plus haut comique grâce à des scènes carrément hilarantes et des dialogues très vifs, où Hawks profite de ce sujet un peu saugrenu pour égratigner la rigidité et l'hypocrisie de l'administration militaire, le tout sur un rythme échevelé où le couple d'acteurs est vraiment très performant ; Grant est égal à lui-même, il l'a déjà montré chez Hawks ou ailleurs, notamment dans L'impossible monsieur Bébé ou Arsenic et vieilles dentelles, et Ann Sheridan considérée comme une actrice sans grande envergure et surnommée "Oomph girl" ("la fille qui a du chien"), elle valait bien mieux que les rôles de poules ou d'entraineuses qu'on lui faisait jouer ; spirituelle et audacieuse, elle se montre ici tout à fait à la hauteur de son partenaire.
Une très brillante comédie, où Hawks décrit une situation délirante en alignant les gags... à consommer sans restriction !