Un classicisme percutant
Marianne, tu sais comme moi que ceux qui baisent entre eux baisent leur mission et se font baiser. Waouh ça fait beaucoup de baise ça… Bon allez, une fois de plus je m'attaque à une œuvre...
le 23 oct. 2019
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Avant de s’intéresser à l'un des derniers faits d’armes du cinéaste de la saga Back to the Future, écartons d'emblée toutes ambiguïtés concernant la place de ce formidable conteur dans le paysage cinématographique contemporain.
Oui Zemeckis est un réalisateur touche à tout, insaisissable qui alterne avec une facilité déconcertante les genres. Oui c’est un habile technicien qui utilise toute la grammaire cinématographique pour nous faire voyager à travers ses récits. Zemeckis est également un Auteur, un technicien hors pair, un expérimentateur, un alchimiste de la matière filmique, mais c’est surtout un pionnier lorsqu’il s’agit de faire entrer le médium Cinéma dans l’ère de la modernité (à l'instar de George Miller, James Cameron et dans une moindre mesure Peter Jackson).
Cela va faire depuis What Lies Beneath (en français, Apparences) pour être précis, que l’œuvre de Zemeckis est souvent malmenée voire méprisée par une frange de la critique hexagonale et internationale. Bon nombre d’entre eux voient au mieux dans le réalisateur de Contact et The Walk, un honnête artisan faisant joujou avec ce gadget qu’est la 3D, au pire un faiseur dont les seuls faits de gloire sont ses films populaires des années 80. Je schématise grossièrement mais il faut reconnaître que l’éclectisme de la filmographie du bonhomme laisse les journalistes...songeurs.
Pour le dire vite, l’incompréhension et la condescendance sont de mises lorsque l’on essaye de parler de la carrière de Zemeckis.
Pourtant l’on devrait se rendre compte de l’importance et le caractère précieux d’un tel film dans ce gloubi-boulga qu’est le cinéma populaire de nos jours.
Evidemment Alliés représente un plaisir de cinéphiles biberonnés aux productions hollywoodiennes des années 40. Evidemment c’est un plaisir nostalgique qui sert d’écrin à ses deux stars. Evidemment le film s’inscrit dans la pure tradition du mélodrame. Mais surtout, Alliés est à la fois moderne et désuet dans sa volonté de réunir au premier plan plusieurs motifs qui ont marqué certains genres cinématographiques.
Moderne et vintage, situé à la frontière entre le thriller d’espionnage, le récit historique, et bien sûr le mélo, Alliés réussi, bien qu’ayant ici et là certaines scories, d’allier tout ça sans entacher l'équilibre bien que précaire, de son dispositif narratif.
Certains diront que l’intrigue est cousu de fil blanc, et je ne pourrais leur jeter la pierre bien que Zemeckis déjoue certaines de nos attentes notamment dans ce final déchirant dont je tairais la résolution.
Oeuvre d’un classicisme légèrement suranné (comme l’était le Pont des Espions de Spielberg), la mise en scène de Zemeckis s’éloigne étonnamment de son appétence pour les mouvements de grues complexes et les plans qui défient les lois cinématographiques. Au contraire, le cinéaste s’efface presque complètement derrière ses personnages et les sentiments parfois contradictoires qui les assaillent.
Le récit est raconté du point de vue du personnage de Brad Pitt qui incarne ici Max Vatan, un espion britannique dont l’aspect et le caractère monolithique n’aura jamais été aussi bien adapté et employé par l'acteur. Pendant deux heures, on est véritablement dans la tête de Vatan. On veut comme lui, croire naïvement en cette histoire d’amour qui ne peut supporter le poids de la guerre et ses trahisons intestines.
De son côté, Marion Cotillard, joue la carte de la fragilité et des faux-semblants, avec une grâce et une facilité que je ne soupçonnais point chez elle. Jusqu’à la fin et après la projection, on est envahi par le doute quant à ses motivations et ses velléités à trahir l’homme et la vie qu’elle mène dans un Londres dévasté par les bombardements. C’est pour cette raison que son interprétation est un véritable tour de force car elle est à la fois l’objet et le fantasme de Vatan. Ce dernier ne peut s’empêcher d’idéaliser leur relation. Si bien que l’on comprend qu’il s’est créé une représentation de la personnalité et de ses sentiments envers sa femme. De fait, le film pourrait être décrit comme un rise and fall mélodramatique, où la naissance d'un amour irrationnel laisse place à une série de doutes qui conduit le personnage de fil en aiguille vers une sorte de folie mentale dont la seule motivation est la quête impossible de vérité.
Après avoir ausculté les atermoiements de ses personnages, Zemeckis n’est pas en reste concernant ses talents de metteur en scène. Il enchaîne les morceaux de bravoure lors des séquences situées consécutivement à Casablanca et à Londres. Son sens de la scénographie fait des merveilles lors de la scène de fête à Londres. C'est une véritable leçon de mise en scène et et une parfaite incarnation filmique de la folie de plus en plus prégnante du personnage de Brad Pitt.
Je vais en rester là, même si l'on pourrait aller beaucoup plus loin quand aux multiples interprétations/niveaux de lecture notamment sur la mise en abyme du jeu d’acteur à travers le personnage de Marion Cotillard.
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Créée
le 5 janv. 2020
Critique lue 147 fois
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