Attention, cet avis comporte ce genre de spoilers :
on en rediscutera quand il y auras des profs noir.e.s dans les lycées d'excellence
Comment ça commence ?
Un lycée parisien intègre chaque année à son pôle d’excellence hip-hop une 50 d’adolescent.e.s issu.e.s d’établissements dont « l’ambition pédagogique a du mal à se déployer ». On pense au ministère des sports, débauchant cyniquement des sportifs étrangers pour profiter de nouveaux talents fraichement estampillé « français » et améliorer son score de médailles aux JO. Mais on aurait tort parce que le rectorat n’était pas obligé de créer cette filière. Alors quoi ? Mission civilisatrice limite raciste ? Pire que ça : c’est une mission de sauvetage républicain. Il s’agit d’exfiltrer après sélection (histoire de garder les meilleur.e.s) ces adolescents plein d’ambitions. Ambitions qu’il ne pourraient donc pas réaliser dans leur commune d’origine où les vélléités politiques ont bien du mal à se déployer. Ils vont donc découvrir un lycée surtout peuplé de babtous (blancs) et faire l’expérience de la « mixité ».
Comment ça finit ?
En échec scolaire
mais avec un joli spectacle de danse. Bon, je dis ça, c’est ce que le film montre. Dans la réalité, sur la cinquantaine d’élèves, l’abandon et les redoublements sont peut-être marginaux, je n’ai pas les stats. Mais surtout, on pense aux milliers d’élèves qui n’émigreront pas chez les bourgeois et qui ne bénéficieront pas des efforts de la république à leur permettre un parcours scolaire « normal ».
Et au milieu ?
Au milieu, je suis mitigé. D’un côté ce docu livre des portraits attachants sur les quelques ados suivis, leur parcours, leurs fêlures, leurs ambitions et une volonté à toute épreuve à se battre contre l’adversité.
De l’autre, il pulvérise la dimension artistique que cherche les jeunes danseures. Le coach dit qu’il ne veut pas des danseurs qui dansent mais des danseurs qui réfléchissent à comment danser. Et c’est tout ce dont le film nous prive, se bornant à montrer des corps en mouvement au lieu de nous éclairer sur l’intention derrière, l’effet recherché, la construction de l’art, l’effort intellectualisé donc.
Surtout que le hiphop est filmé ici d’une façon particulièrement caricaturale avec une caméra qui s’oblige à bouger et à débuller pour faire « street ». Comme si le corps qu’il est incapable de filmer en entier (à de trop rare exceptions) ne se suffisait pas à lui-même.
Sans doute est-ce accessoire. Le projet était surtout (pour le dire vite) de monter une initiative de bourgeois qui s’intéressent aux minorités parce qu’elles sont plein de talents et de volonté. Et si le docu nous sort de ce genre de clichés, il véhicule en même temps les bienfaits de la compétition, du dépassement de soi, de l’autonomie des individus, de la recherche de la performance et autres fantasmes libéraux. Le projet est finalement plus conservateur qu’il n’y paraît.
Par conséquent, on ne s’étonne pas qu’entre 2 passages devant le jury venant sanctionner la performance (en toute bienveillance évidemment), que ces gosses très suivis et coachés au niveau danse ne le soient pas plus au niveau scolaire. Mais bon, ce n’était pas le sujet.