Monochromatique, clair-obscur et naturaliste, tels pourraient être les qualificatifs, tant sur le plan esthétique que narratif, de ce film d’animation. Car la qualité du trait n’a rien à envier aux productions outre-Atlantique : si l’utilisation de la rotoscopie – dessin des personnages calqué sur des séquences filmées avec des acteurs – permet un rendu très fidèle des expressions humaines, cela ne fait qu’ajouter profondeur et subtilité à un récit limpide et poignant ne supportant pas la médiocrité.
En effet, dans le cœur d’Aloïs Nebel réside le témoignage conjoint de deux épisodes contemporains méconnus. D’une part l’exode forcé de populations allemandes d’Europe de l’Est, lors de l’immédiat après-guerre ; d’autre part la Révolution de velours par laquelle le peuple tchécoslovaque se libéra du joug soviétique à l’automne 89. Trait d’union malgré lui de ces événements, le chef de gare enfermé dans la douleur de son vécu personnel et libéré par la marche de l’Histoire.
Pourtant, malgré toutes ces qualités, difficile de ne pas avoir l’impression que le temps s’étire indéfiniment. Rien ne se passe ou presque durant de longues scènes, l’ennui s’installe insidieusement, face à l’espoir infime qu’un coup d’éclat surgisse, que le rythme accélère brutalement. Mais non, toujours rien. C’est à se demander si ce n’est pas volontaire, afin de faire ressentir au spectateur le désespoir et la passivité du protagoniste principal. D’où, probablement, le choix du noir & blanc.
Et lorsque vient la comparaison avec Valse avec Bachir, dont les ingrédients de base sont similaires, le constat s’avère encore plus sévère : aucune once d’humour, de poésie ou de légèreté ne permet de rehausser une narration des plus lugubres. Il y aurait bien l’amourette avec la femme d’entretien, les hallucinations régulières ou les collègues quelque peu vachards, mais tout est traité avec une telle distance, une telle froideur, que ces rares tentatives ne font que plonger davantage le spectateur dans l’agonie du chef de gare. Pour reprendre un vers de la Divine comédie, « Vous qui entrez, perdez tout espoir. »
Finalement, si le devoir de mémoire devrait justifier à lui seul son visionnage, la lenteur et l’avarice du récit réserveront Aloïs Nebel aux spectateurs les plus assidus. Dommage.