Dans un immense site de récupération de ferraille, des hommes un peu trop distants vis-à-vis du régime côtoient un groupe de femmes ayant eu la mauvaise idée de tenter d'émigrer. Il y a là un philosophe, un laitier, un cuisinier, un saxophoniste... Tout ce beau monde oppose une résistance nonchalante au système communiste. L'esprit critique, la solidarité mais aussi la sensualité tentent de s'exprimer vaille que vaille.

Ce film au ton original nous montre ainsi des discussions philosophiques (nous rappelant que l'Histoire a été façonnée par des Juifs, de Jésus à Marx, en passant par Freud et Einstein), des femmes se déshabillant épiées en toute conscience derrière une palissade, une ruse pour pouvoir faire la chaîne et ainsi se toucher les mains, des enfants débarbouillés à l'aide d'une éponge (scène qui va prendre tout son sens, sordidement, à la fin, lorsque ce rituel va s'appliquer à une jeune fille), une autre ruse pour rendre inquiet le gardien en suggérant un adultère et ainsi s'en débarrasser, des mains en cercle au-dessus d'un brasier pour se réchauffer... Tout cela sur fond de décharge rouillée, métaphore évidente du régime.

On aura aussi droit au mariage du gardien avec une tzigane, et son rituel d'aspersion de vin rouge (!), mariage qui se soldera par une poétique course-poursuite dans l'appartement où les lumières s'allument et s'éteignent. On reverra la jeune mariée, ne sachant s'endormir dans un lit, assoupie au-dessus d'une armoire, puis chantant devant un feu allumé dans la salle de bains !

Un peu plus tard, un autre mariage lui fera écho, celui de nos deux héros, jeunes tourtereaux qui ne peuvent s'unir car la femme est emprisonnée : c'est donc la tante du cuisinier qui porte la procuration ! La démerde, toujours, règne des subversifs. Une nuit de noce en plein jour a été préparée dans une cabane par le gardien du site devenu "ange gardien", mais la venue d'un apparatchik empêche la rencontre. Et, comme ses camarades laitier et philosophe, notre jeune cuisinier a le tort d'émettre une question interdite. Le voilà prestement embarqué par des policiers, dans une scène qui m'a furtivement évoqué Charlot - on y pense aussi lorsqu'un mur repeint laisse la trace d'un camion et de deux hommes comme un pochoir. Bien aimé aussi le cadeau d'un costume marin à un enfant, ses frères et soeurs étant au bord des larmes de jalousie, avant d'être rassurés par leur père : rien ne rend plus heureux que de faire des cadeaux à ses enfants.

On retrouvera nos trois dissidents s'enfonçant dans une mine. Nullement minés : radieux. Le système n'a pas eu raison de leur joie de vivre.

J'ai parfois trouvé le film un brin fleur bleue, à l'image de cette fin, et ce d'autant plus que la musique vient souligner un peu lourdement les moments "d'émotion". Cf. aussi les épisodes de miroirs reflétant le soleil. Pour le reste, voilà une oeuvre singulière, souvent surprenante, émaillée de moult jolis moments. Poétiquement engagée.

Jduvi
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le 9 févr. 2020

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Jduvi

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