Ce que je ne pensait n'être qu'un énième film un poil fauché sur le satanisme avec une certaine imagerie s'est avéré être en fait une nouvelle version de Carmilla (vampire prédécesseure du Dracula de Bram Stoker), mais revisité sous un angle plus anticlérical ?
Et encore, je mets un point d'interrogation car le film étant mexicain (donc d'un pays bien connu pour sa dévotion catholique, mais aussi pour ses révolutions plus laïques), l'angle anticlérical est amoindri quand Alucarda commet vraiment le Mal.
Pour autant, on peut dire que le film est critique de l'Église et des institutions religieuses, vu qu'en plus de pratiquer la flagellation et de tuer ses pensionnaires par exorcisme, le couvent et orphelinat de ce film verse le premier sang !
Quand Sœur Véronique ou Angelica se doute que Alucarda est en train de corrompre Justine à l'aide d'un sabbat sataniste, elle invoque la puissance de Jésus et tue une rivale qui ne faisait que des psaumes lucifériens sans heurts. C'est d'autant plus ironique, vu qu'en général on représente les forces de l'Église comme battant le Diable avec le Verbe et moins à l'aide de "Magie" ou de violence sauf au Moyen-Âge.
D'autant que les nonnes et les pères supérieurs ont l'air superstitieux et persécuteurs dans leurs gestes et paroles et qu'ils sont plus violents (au début) que les satanistes. Après, même si Alucarda a des critiques objectives et légitimes contre l'Église, elle n'est pas non plus toute innocente.
Elle est né dans une cathédrale luciférienne drapée de rouge, semble clairement possédée et hystérique et fait des rituels lesbiens d'échange de sang avec une Justine qui ne semble elle-même pas entièrement consentante (bien que l'amour entre les deux semble sincère). Elle arrive même à brûler des nonnes et moines rien qu'en criant des noms de démons :
Satanas ! Lucifer !!
C'est aussi vers la fin que Alucarda bascule plus dans le film de vampires et perd en nuances selon moi, passant d'une critique où l'Église est montrée comme plus violente et malveillante que les païens et satanistes qu'elle dénonce tant, à une défense de l'Église comme rempart contre le surnaturel maléfique.
À force de faire basculer Justine dans le camp du Mal, cette dernière s'affaiblit physiquement, meurt lors d'un exorcisme à base d'aiguilles, puis ressuscite et tue une nonne avant de se cacher dans un cercueil rempli de sang. Sachant que la mère de Alucarda est censé être une Lucy Westerna en référence au personnage de Dracula, ça tombe sous le sens : la boucle est bouclée, Justine devient une sorte de vampire satanique trempée d'hémoglobine qui agresse et tue Sœur Véronique/Angelica par erreur (la faute au Dr. Oszek qui passe de défenseur de la Science et de la Raison à un Dr. Van Helsing sans pitié beaucoup trop vite).
Je suis un peu déçu par l'évolution trop rapide du Dr. Oszek, montrant un certain déséquilibre entre Raison et Religion dans ce film. Mais pour autant, et malgré son côté fauché, Alucarda est un film intéressant sur son interprétation du satanisme par le prisme du vampirisme. C'est sûr c'est plus proche d'un Effroi (1981) à la mexicaine que d'une Messe Noire (sorti la même année mais plus "en faveur" du Diable).