Le Mexique et le cinéma fantastique sont en odeur de sainteté depuis le début des années 1930 et ont offert quelques fleurons du genre malgré un évident manque de moyens financiers afin de pleinement concrétiser la vision de leurs auteurs. Producteur des deux premiers longs-métrages d'Alejandro Jodorowsky (Fando & Lys et El Topo), Juan López Moctezuma réalise une poignée de films horrifiques durant les années 1970, dont ce fameux Alucarda en 1977 qui mixe pêle-mêle quelques grands succès cinématographiques de l'époque (Les Diables, L'Exorciste, La Malédiction, Carrie...). Néanmoins doté d'une magnifique atmosphère gothique et interprété par un premier rôle féminin impliqué, Alucarda aborde plus ou moins dans son fond le même sujet que Morgane Et Ses Nymphes, réalisé en 1971 par Bruno Gantillon. Sauf qu'ici, la protagoniste ne refoule pas son homosexualité, elle la clame haut et fort au sein d'un couvent et sous le couvert de Satan. Et bien évidemment, à partir de là, tout ne peut que partir en vrille.
Mexique, 1850. Dans un temple abandonné au cœur d'une forêt, une femme accouche avec pour seul témoin un bohémien faunesque. Nait ainsi Alacurda dont la génitrice rend immédiatement l'âme, non pas à Dieu, mais au Diable qui la tenait sous son emprise. Élevée dans un couvent durant 18 ans, Alacurda s'éprend de Justine, une nouvelle venue issue d'une famille aristocratique et qui partage sa chambre. Leurs sentiments réciproques réveillent alors des forces démoniaques insoupçonnées...
Très librement adapté du célèbre Carmilla, rédigé en 1871 par Sheridan Le Fanu, Alacurda mêle adroitement une tragique histoire d'amour entre femmes au genre fantastique, à la poésie, au surréalisme et à l'horreur graphique soutenus par une remarquable photographie. Il suffit d'imaginer Jesús Franco au plus haut de sa forme remettre en scène Les Diables de Ken Russell à sa manière et vous saurez de quoi il en retourne.
De ce métrage, typique des outrances et autres délires de son réalisateur-producteur, il est clairement à noter certains plans magnifiques évoquant les toiles de Goya ou de Rembrandt hantées par la présence gothique et maléfique de Tina Romero dans son plus simple appareil. Un fleuron du genre et un classique instantané dans son pays natal.