Le Miroir du pigeonnier
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C’est dans la ville natale du cinéaste qu’a été tourné Amateur.
Isabelle Huppert campe le rôle d’une ancienne religieuse devenue écrivaine de romans pornographiques et elle est convaincue que Dieu lui a confié une mission précise. Elle rencontre Thomas (joué par Martin Donovan), un homme qui a perdu la mémoire. Il y a également Sofia, une star internationale du porno complètement paumée, qui semble avoir eu un lien avec Thomas. Isabelle va aider Thomas l’amnésique à comprendre ce qui s’est passé et les choses vont se compliquer quand des meurtriers à la recherche de disquettes "floppy disks" vont commencer à leur courir après.
Film aussi décalé que les précédentes œuvres de Hal Hartley mais beaucoup plus sérieux, et c’est peut-être ce décalage entre ce qui se passe, fou en apparence, folie d’ailleurs incarné par le personnage de Damian Young et sa coiffure, et le sérieux général manifesté par l’esthétique hautement stylisé du film, inspiré selon Pierre Murat du "Film Noir", et la musique elle, complètement tragique, composée par Hartley lui-même. Je recite Pierre Murat de Télérama : « un trio incongru (l'amnésique, la religieuse et la porno-star), coupé du passé et privé d'avenir. Hal Hartley filme donc des fantoches et des fantômes ». Ainsi l’harmonie générale que prend le film, une harmonie esthétique en terme de couleurs et de cadrages, de nombreux plans dans le film font en effet penser à des tableaux, serait en décalage avec le fond du film, c’est à dire l’histoire, les dialogues, les personnages qui ne seraient que des simulacres d’eux-mêmes, un peu comme ceux des films de Tarantino. D’ailleurs la même année, sort Pulp Fiction également avec une jeune femme brune avec une coupe au carré et des dialogues décalés. Pulp Fiction serait à la comédie ce qu’Amateur est à la tragédie. Hal Hartley n’omet pas de critiquer la société américaine où l’argent est roi, et comme le remarque Stéphane Bouquet des Cahiers du Cinéma, Hartley associe les nouvelles technologies (ordinateur, télé..) à la marchandisation du corps et du sexe, dont Sofia est la première victime. Il y a effectivement des références à certains films de Godard, comme Sauve qui peut la vie ou encore Prénom Carmen. Dans Amateur, il y a également une impression d’« inquiétante étrangeté » qui est visible durant tout le film, et qui atteint pour moi son paroxysme à la toute fin du film, à travers le regard d’un spectre qui commençait tout juste à s’incarner, le spectre d’Isabelle.
Amateur, c'est ce que chacun des personnages du film est, vis-à-vis du monde, simulacres d'eux-même.
Amateur, c'est ce que le film est, vis-à-vis de nous, simulacre de lui-même.
Amateurs, nous le sommes tous.
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Créée
le 28 janv. 2016
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