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le 24 mars 2022
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Les Américains, tout le monde le sait, sont les plus forts : à l’écran, bien entendu, mais aussi lorsqu’il s’agit de lever une armée promotionnelle pour nous convaincre d’aller payer pour voir leurs films.
Michael Bay a pourtant un casier long comme un poulpe mutant dans une production Asylum : alors que cinq volets de Transformers lui garantissaient déjà un showroom privatif en enfer avec l’intégrale de Béla Tarr en programme continu, le yankee s’est rendu responsable d’un étron radioactif sur Netflix en 2019 avec 6 Underground. Autant de pustules sur un CV qui rendraient presque comestible, sur le papier, son nouveau projet, remake d’un film danois, sans robots ni aliens, et surtout destiné au grand écran.
Ambulance a tout d’un projet vintage, dont la modestie narrative – une course poursuite continue entre braqueurs et flics – et la durée enfin raisonnable (2h) fleure bon le blockbuster du monde d’avant les super-héros. L’occasion de célébrer des retrouvailles avec un cinéaste qui, il faut bien l’admettre, a forgé une patte, et un style reconnaissable entre mille. La signature Bay, c’est un burger au saindoux qu’on aurait copieusement arrosé de caramel et d’éclats de cacahouètes. Une photo qui semble destiné à promouvoir les écrans 8K, où la brillance des rétines en contrejour et les barbes de trois jours sont reliftés au gloss. Des courses poursuites qu’on parsème de linge à sécher, d’oranges, de poivrons et de tomates à exploser pour s’assurer d’exploiter l’intégralité du spectre chromatique. Des nappes sonores qui te récompensent d’avoir bien voulu sortir de ton salon lorsque ta cage thoracique se compriment au diapason d’un vrombissement de moteur.
L’écriture reste tristement fidèle au cahier des charges, et pourrait aller pomper à peu près toutes les réunions des arcanes du blockbuster : un braqueur patriote, une épouse atteinte du cancer, une infirmière sexy mais qui doit apprendre à ouvrir son cœur, des flics déterminés et des miliciens burnés à la serpe. On notera par ailleurs l’ajout d’un petit couple gay en thérapie, séquence dans l’air du temps habilement intégrée de manière à pouvoir être coupée pour la distribution dans les pays homophobes. Quant à l’humour, c’est comme toujours l’ingrédient de trop, le chocolat à la menthe de Mr Creosote, à base de gros chien, de flamands rose, de punchline trempées dans la testostérone et de références méta du pauvre.
Rien de bien surprenant, donc. C’est sans compter sur la course à l’échalotte de la technologique qui motive Bay pour chaque nouveau projet : ce grand enfant a les moyens de se payer des jouets très chers, et découvre aujourd’hui le charme du drone, ce nouvel outil qui permet la libération du mouvement de caméra, et qui occasionne d’affligeantes séquences vue du ciel quand Stéphane Bern marche dans un château.
Et là, c’est un véritable festival : on ne vous mentira pas en vous promettant des plans jamais vus au cinéma : la caméra passe partout, vole à ras du sol, au plafond, monte le long des façades des immeubles avant de redescendre, passe sous les voitures ou entre les jambes. Il semble totalement optionnel pour Bay et son équipe de se poser la moindre question sur le lien possible entre forme et fond : il n’y en a absolument aucun. Et c’est là que le film prend une tournure totalement jouissive. Ambulance jette à tombeau ouvert ses caméras dans un chaos sans nom, tronçonne la syntaxe du montage, et saupoudre de cocaïne le moindre déplacement. Ce rollercoaster est à ce point une offense à la science du découpage, du cadrage et du rythme qu’il pourrait en devenir séditieux à la manière dont on ajouterait en douce une bonne louche de LSD dans la sangria du club de bridge. Même dans les dialogues les plus basiques (et poussifs), les travellings circulaires ou les contre plongées improbables nous préviennent des dangers à filmer sous ecstasy.
L’éclat de rire constant a tout d’une libération cathartique. Les thuriféraires pourront sans doute gloser en vous expliquant avec des concepts que ne maitrise pas le cinéaste qu’il tend, dans sa chorégraphie du chaos, à une pure abstraction cinétique. Sa colique néphrétique n’en est pas moins aussi douloureuse que revigorante, pour qui saura en apprécier la véritable saveur : la brillance HD d’une rate qui éclate dans un bolide pourchassé par les hélicos du LAPD.
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Créée
le 26 mars 2022
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