On ne peut nier la capacité de séduction d’American Beauty dans son premier quart d’heure. Annonçant par un flash forward un brin cryptique un drame terminal, puis par la voix off du protagoniste sa mort à venir, il permet une intrigue dont on va s’amuser à recoller les morceaux au fil de fausses pistes malicieusement disséminées. Second facteur ajoutant au capital sympathie, des comédiens en pleine forme qui s’amusent à écorcher l’image de la success story yankee : monsieur considère sa branlette sous la douche comme le point culminant de sa journée, madame associe win attitude, usage des flingues et méthode Coué dans une hystérie au sourire carnassier. Spacey et Benning s’éclatent, le lecteur aurait fortement tendance à les suivre.
On pourrait facilement voir American Beauty comme une série dont le pilote, irrévérencieux et survolté, vous promet une saison de haut vol. Les épisodes suivants calment un peu le jeu tout en s’essayant à de nouvelles thématiques, maladroites (la lourdeur kitsch, certes assumée, mais elle-même assez pesante des fantasmes du père en pleine crise de la quarantaine sur la lycéenne) ou assez intéressantes, comme cette exploration de la vidéo, occasionnant un voyeurisme de voisinage plutôt fertile. Les effets de vis-à-vis, la possibilité donnée de se voir dans sur un moniteur tout en s’offrant à l’autre ou d’avoir accès à un sourire caché dans un miroir sont autant d’idées qui effleurent les amours naissantes avec une certaine inventivité.
Arrivé au carrefour de la mi-saison, le rythme s’emballe, comme s’il s’agissait de retrouver l’énergie initiale, et tout s’effondre. Virant vers la farce grotesque, le film perd toute sa capacité à la satire et tourne à vide. Pire encore, la volonté d’asséner une morale systématique à l’intégralité des personnages sur le modèle « méfions-nous des apparences » vire à la recette : le militaire qui fait son coming out, la freak belle de l’intérieur, la lolita grande gueule vierge et complexée…n’en jetez plus.
Finalement, le supposé vitriol reste bien verni et glamour, et l’Amérique qui se regarde dans l’objectif déclaré de s’égratigner a bien du mal à échapper aux codes qu’elle dénonce. Pour qui voudrait vraiment voir la famille passée à la moulinette d’un regard sans concessions, au profit d’un véritable et salutaire malaise, on conseillera le bien plus fielleux Happiness de Todd Solondz.

Sergent_Pepper
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le 12 avr. 2015

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