Je l'attendais. Je ne connaissais pas Andrea Arnold, mais l'arrivée en dansant de l'équipe du film American Honey sur le tapis rouge du dernier festival de Cannes m'a séduite. De plus, la bande-annonce et le "I got a job, it's in Kansas" ou le "got money? got dope!" m'ont immédiatement donné envie de voir ce film, qui durait quand même 3 heures. La présence du trèèèès appréciable Shia Leboeuf et de sa gueule d'ange a ajouté un petit plus à mon envie, et j'étais très motivée pour voir ce film.


J'y suis allée, et j'ai, comme pourraient dire les jeunes de la bande du film "totalement kiffé". En effet, en plus d'avoir des acteurs hors pair (autant les premiers rôles et la révélation qu'est Sasha Lane que les seconds rôles, ceux du groupe 0-71 qui sont l'âme du film), ce film porte une réelle ambiance. Une sorte d'Easy Rider, revenant sur la route hippie (road-trips, bang fourré de beuh et coucheries à tout va) de la génération Z, courant ou plutôt roulant à travers une Amérique appauvrie et désoeuvrée. Une sorte de film d'apprentissage, où la jeune Star va apprendre l'école de la vie, de la thune et de l'amour sur le tas, avec l'aide de Jake mais aussi de Krystal (qui, comme dans Divines, est une femme dirigeant un business qu'on aurait pu croire réservé aux hommes).


Ce film, s'il m'a personnellement transportée et bouleversée, a une aura, d'une part par sa trop malheureuse actualité, d'autre part par sa bande-originale.


Le script a été écrit il y a quelques années déjà, et le tournage s'est effectué à l'été 2015. À ce moment, aux États-Unis, rien ne laissait entendre que Donald Trump gagnerait les élections présidentielles. Si Star fait une remarque à Jake au début du film à propos de son look, c'est seulement sur le ton de la rigolade. Cependant, l'Amérique que décrit Andrea Arnold de façon magistrale est une Amérique non-cautionnée par Donald Trump, faite de mixité et de mélange d'origines, ce qui donne au film toute sa saveur. Ce film rappelle l'origine de l'Amérique dans tout ce qu'elle a de primitive, avec cette idée du Nouveau-Monde et du rêve de "the american way of life", notamment avec le drapeau américain sur l'affiche ou encore le prénom de Star, qui rappelle les 50 étoiles du drapeau.


J'ai appris grâce à Xavier Dolan que la bande-originale d'un film avait une importance primordiale, et j'ai retrouvé ce sentiment d'être surpassée par la beauté et la pertinence de la musique dans American Honey. "Everybody get choices, I choose to get money I'm stuck to this bread" et cette répétition de "yes, nope" qui avait fait danser l'équipe du film à Cannes. Mais aussi God's Whisper, titre présent dans la bande-annonce qui m'a donné envie de pleurer au moment du feu de camp de la fin, ou encore le bientôt culte We found love de Rihanna, une première fois dans le supermarché puis une seconde fois, au féminin uniquement, dans la voiture. Ces chansons, qui oscillent entre ultra-commercial et rap US qui déchire et qui place le mot "bitch" dix fois par couplet, sont représentatives de ce qu'écoutent les jeunes américains et c'est sûrement ce qui m'a bouleversée dans ce film : l'identification possible. S'il ne me vient pas à l'idée de quitter ma vie pour aller faire du porte-à-porte, je comprends les choix de Star et le regard ultra-empathique de la réalisatrice envers ses personnages m'a aidée.


On peut qualifier ce film de purement jouissif : il est beau, solaire, sensuel, moite, régressif et transgresse tout ce que l'on pourrait imaginer. Il est jouissif dans la manière qu'a Andrea Arnold de filmer les scènes de sexe, d'une façon à la fois crue et à la fois onirique, avec ce fameux moment après l'amour qui est si bien montré. Il est jouissif dans ses gros plans, renforcés par le format en 4/3, sur les visages de Jake et de Sasha mais aussi sur leurs corps tatoués, percés, tressés voire dreadlockés. Il est jouissif dans ses petits détails, ses plans sur les insectes, ses rappels enfantins sur les bonbons, mais aussi dans sa volonté de transgresser : passer outre le tabou de la drogue (je n'ai jamais vu un film avec autant de joints, de bangs et de feuilles de cannabis) mais aussi celui de la sexualité.


Enfin, ce film est une magnifique prouesse technique, avec des mouvements de caméra totalement hors-normes (notamment au moment des scènes de sexe, là où la caméra s'éloigne et se rapproche) et une gestion du cadre qui pourrait être utilisée comme un exemple de cas d'école. Andrea Arnold signe donc ici un long métrage comme une ode à la jeunesse américaine, en maniant génialement sa caméra et en portant un regard émouvant et protecteur envers son personnage principal.

CFournier
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le 9 févr. 2017

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4 j'aime

Coline Fournier

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