A ce stade, les gens vont s'en rendre compte. Ce n'est plus possible de voir de tels trucs sans prendre conscience d'un problème, ici très américanisé, mais totalement visible et exagéré : la victimisation qui justifie le communautarisme. On est ici dans le cadre d'une expérimentation sociale du concept de la purge, concept que je ne vais pas redévelopper. En revanche, le film prolonge clairement la logique de ses prédécesseurs et arrive même à la conclusion idéologique qu'on attendait. La population commence toujours à s'entredéchirer entre communautés, mais très vite, cela se tasse car on nous présente les VRAIS ennemis. Les suprémacistes blancs (ou les nazis, au choix). Les policiers. Les militaires. Et tous ces gens sont associés évidemment dans cet Etat gouverné par les blancs où on glisse quelques allusions à Trump. Et donc, en face de cela, les héros sont des membres de gangs (ou leurs proches) qui vont défendre leur population au nom de leur communauté (de leur couleur, disons-le). Je n'ai pas énormément de problèmes avec le concept de milice ou de vigilante, cette forme de justice primaire qui consiste à faire appliquer une justice civile quand l'autorité qui devrait agir est bloquée (par incapacité, corruption ou désintégration). Mais ici... Est-ce qu'il faut vraiment rappeler comment fonctionne un gang ? Ce que vend un gang ? Comment un gang règle un problème de territoire ? Est-ce qu'il faut vraiment rappeler que les vrais films qui parlent de gang, c'est Casino ou Sicario ? Sommes nous devenus dégénérés au point d'oublier la réalité pour devoir accepter une conception idéologique qui veut racialiser les rapports de forces ? Qui veut à tout prix imposer une analyse raciale là où il s'agit de problèmes sociaux ? Je tiens à rappeler qu'à ce titre, aux États Unis, vous avez plus de chances de vous faire abattre par la police quand vous êtes blanc plutôt que noir, justement à cause des scandales raciaux dans lesquels la police est régulièrement trainée dans la boue : https://www.youtube.com/watch?v=TW64LlJnGv0 (allez voir, c'est rigolo).


Donc à toutes ces critiques positives qui vantent la lucidité politique d'un tel monument d'idéologie, l'absence de distance dans votre jugement vous empêche de voir, derrière les scènes d'action bien huilées et les égorgements cathartiques de ces sales racistes, le monde anti-démocratique et ultra-communautaire qu'on est en train de vous fabriquer sur le modèle états-uniens, et qu'on vous vend comme une vérité inaltérable. On partait sur l'idée d'une expérience sociale visant à s'en prendre aux plus pauvres, on termine dans une lecture raciale de la situation, où on doit valider les gangs et reconnaître que quand même, ce sont de braves gars qui peuvent être aussi du bon côté, celui de leur communauté. D'un côté on pourrait accepter d'humaniser un peu les criminels, mais depuis quand tuer des racistes vous lave de vos crimes ? Et quel sens cela a-t-il alors de filmer le drapeau des États Unis durant le final ? Un drapeaux en pièces, j'aurais compris, on serait au moins honnête dans la fracture sociale entre communautés, mais là, on est en train de nous dire que ce sont les banlieues qui sont les vrais États Unis... Il n'y a hélas pas vraiment plus à développer, le film excluant de nombreuses pistes de réflexion pour se focaliser sur quelques gunfights vénères et une icônographie assez mystiques (les Klansmen qui émergent de la fumée en tenue de guerre, les policiers qui polissent les tonfas cloutés...) qui, je le reconnais, apportent de l'efficacité formelle à ce thriller politique. D'ailleurs, le film n'a jamais caché ses opinions (une bande annonce explicite, des héros en couleurs attachants et bavards, des blancs inquiétants et silencieux, et des tas de types masqués pour l'aspect festif de la purge (une habitude qui fonctionne)), et il nous donne exactement le programme tel qu'il s'annonçait. C'est juste ultra-violent de se rendre compte à quel point on tombe (même si son prédécesseur faisait pire avec sa dimension religieuse).


L'Amérique a peur, mais de quoi ? de qui ? La purge, que veut-elle dénoncer finalement ? L’irrépressible envie pour les blancs de tuer les noirs ? Le passage obligé vers la partition des territoires entre les populations qui les revendique ? (où les populations géreraient elles mêmes leurs règles de société et de sécurité, avec les troubles sociaux et les débordements qui iront avec). Au bout d'un moment, il faut s'interroger sur le monde qu'on veut se fabriquer, et sur le monde tel qu'il fonctionne dans le réel. Les communautés ne se dissolvent que dans une plus grande communauté. Les poches communautaires grossissent et drainent leurs semblables. Et voilà comment on aboutit à des climats de guerre civile. La purge aurait pu être justement un moyen de garder une illusion de paix civile justement, mais ici il faut donner un visage à l'ennemi qui ne soit pas que social, et quoi de mieux que les nazis ou leurs cousins. Tuer quelques flics fait bouger des choses, à ce qu'il paraît. Après tout, la haine vient d'eux, pas de nous.

Créée

le 22 juil. 2018

Critique lue 1.2K fois

20 j'aime

21 commentaires

Voracinéphile

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

20
21

D'autres avis sur American Nightmare 4 : Les Origines

American Nightmare 4 : Les Origines
RedArrow
4

Une saga toujours pas purgée de ses défauts

Déjà le quatrième volet de la saga "American Nightmare" et le concept pourtant génial de Purge n'a toujours pas accouché d'un excellent film. Seul le deuxième épisode frôlait enfin le potentiel de...

le 4 juil. 2018

21 j'aime

7

American Nightmare 4 : Les Origines
Behind_the_Mask
6

♫ Aux balles masquées ohé ohé ♪

Je me suis laissé convaincre. Il n'en fallait pas beaucoup me direz-vous sans doute, vu, que vous, chers abonnés, et moi, nous commençons à nous connaître. Sauf que je n'avais vu aucun des précédents...

le 11 août 2018

15 j'aime

6

Du même critique

Alien: Romulus
Voracinéphile
5

Le film qui a oublié d'être un film

On y est. Je peux dire que je l'avais attendu, je peux dire que j'avais des espoirs, je l'ai sûrement mérité. Non que je cède au désespoir, mais qu'après un remake comme celui d'Evil Dead, ou une...

le 14 août 2024

178 j'aime

48

2001 : L'Odyssée de l'espace
Voracinéphile
5

The golden void

Il faut être de mauvaise foi pour oser critiquer LE chef d’œuvre de SF de l’histoire du cinéma. Le monument intouchable et immaculé. En l’occurrence, il est vrai que 2001 est intelligent dans sa...

le 15 déc. 2013

102 j'aime

116

Hannibal
Voracinéphile
3

Canine creuse

Ah, rarement une série m’aura refroidi aussi vite, et aussi méchamment (mon seul exemple en tête : Paranoia agent, qui commençait merveilleusement (les 5 premiers épisodes sont parfaits à tous les...

le 1 oct. 2013

70 j'aime

36