Si vous pensez avoir tout vu niveau film de guerre et bien ... vous avez raison, car autant le dire franco ce "American Sniper" ne révolutionne rien du tout, je voyais le concept arriver à des kilomètres et c’est pile poil ce dont j’ai eu droit, pas de surprises, si ce n’est que je ne connaissais pas l’histoire de Chris Kyle, alors je pense que si j’avais été un américain un minimum informé (et si possible votant à droite) là ça aurait été le zéro absolu à ce niveau là. Car c’est bien le récit d’un héros national que Eastwood nous dépeint, un tireur d’élite bien connu outre atlantique pour avoir tué à lui seul une centaine d’ennemis durant le conflit irakien dans les années 2000.
On reconnait bien là le Clint patriote, même si il essaye de nuancer les choses il ne fait pas vraiment illusion, on imagine allègrement qu’il fait parti d’une majorité d'américains ayant foi en leur pays et son armée pour vaincre la menace qui tente de briser leurs libertés, sans trop se poser en moraliste il prend passion à raconter au monde le destin de cet homme. L’œil silencieux niché en haut de l’immeuble guète, le sang froid, la force tranquille, son doigt fixé sur cette gâchette et le viseur pointé sur ce gosse tenant une grenade, voilà ce qu’est l’intro et ce qui nous met directement dans le ton du film, puis le récit joue des flashbacks nous montrant l’enfance de Kyle, de son père autoritaire l’emmenant à la chasse et lui apprenant la rigueur des rapports humains, puis s’en suit une certaine linéarité entre ses premiers pas (et tirs prometteurs) chez les SEALS et sa rencontre avec sa future épouse. Ensuite vient le point culminant des attentats du 11 Septembre lui donnant son ticket pour l’Irak.
Les ellipses fonctionnent plutôt bien, le montage garde un dynamisme assez plaisant, mais le scénario a tendance à vraiment patauger à de nombreuses reprises, c’est tellement du déjà vu, ce type qui part à la guerre contre les méchants terroristes laissant femme et enfant au foyer, voyant l’horreur du conflit et gardant une marque indélébile, on sait absolument où le film nous embarque et c’est malheureusement peu digne d’intérêt pour ce qui est de la trame principale, ça manque clairement de fond. Cependant "American Sniper" brille grâce à ses quelques séquences de tension et de pure immersion sur le terrain, les fusillades sont admirablement bien filmées et Eastwood ose même une scène choc (bien que peu explicite mais les cris et le bruit de perceuse resteront majoritairement en mémoire …), même si de manière générale le ton est assez cru avec pas mal de morts, de headshots et de flaques de sang, on est loin du film familial.
Le long métrage tombe forcément dans le sentimentalisme avec ce couple scindé par la guerre, Kyle peine à retrouver ses marques dans le climat familial, préférant même retourner se battre pour éviter que des jeunes aillent se faire tuer à sa place, puis ensuite il y a même le thème de la vengeance après qu’un type cher à la compagnie se fasse tuer, œil pour œil, les soldats se cherchent un but, au delà de retrouver ce fameux Al-Zarqawi (chef du réseau Al-Qaïda en Irak), faut les buter ces ordures, pas de pitié, et c’est là que le côté patriotique prend le dessus et se perd dans un propos et un traitement qui auraient pu être un peu plus nuancés. On voit clairement ce conflit à travers les yeux de l’armée US, il n’y a aucune bipolarité, seulement quelques points de vus du tireur ennemi, notamment lors de cette séquence du duel sur les toits, et c’est d’ailleurs dommage que la réalisation ne s’attarde pas sur ce genre de moment de tension, car c’est tout ce qui aurait pu faire la force du film et c’est d’ailleurs en plus ce que le titre promettait.
Bradley Cooper signe une bonne prestation, son personnage n’évite pas les clichés mais l’acteur arrive, tout charisme déployé, à incarner le prototype du héros américain dans sa froideur et son humanisme, le couple avec Sienna Miller fonctionne et propose des moments d’intimisme convainquant. Eastwood garde lui son classicisme dans sa mise en scène mais arrive à nous accrocher grâce à quelques bribes bien inspirées, cependant le scénario lâche un peu trop l’affaire dans les 20 dernières minutes, préférant la facilité des répercutions psychologiques dépeintes de manière trop brève puis une fin très curieuse nous laissant en plan avec un champ de texte, c’est un certain parti pris mais je pense qu’il fallait connaitre à l’avance l’histoire de Kyle pour y adhérer, moi ça m’a déçu personnellement de voir une conclusion aussi torchée, sans compter les drapeaux américains qu’on nous balance à la tronche de partout (snif snif ?).
Moi qui m’attendait à un long métrage insupportable de "pro-américanisme" j’ai tout de même été assez agréablement surpris, idem pour Eastwood qui m’inquiétait depuis un certain moment, bien sûr on est loin d’un "Mystic River" ou même d’un "Gran Torino" mais c’est tout de même mieux que ses derniers films (c’est déjà ça), "American Sniper" est bien un film de Yankee pour les Yankees, nous on se contente de profiter de l’immersion que certaines scènes peuvent nous procurer, ça se laisse regarder, c’est assez efficace, même si les défauts d’écriture ne manquent pas, malheureusement.