Une double lecture possible

Mon prof d'histoire des idées politiques nous avait parlé de ce film lors d'un aparté. Il nous avait expliqué que le film était balèze parce qu'il avait deux types de lecture : soit celle républicaine, c'est-à-dire "USA ! USA ! Let's go kick their ass !", soit celle démocrate qui pourrait être "regardez ce que la guerre a fait à ces hommes et à ces pays : elle les a dévasté".
J'accroche totalement à cette analyse car l'ambiguité est maintenue même à la fin par Clint Eastwood :

. Cela détonne un peu par rapport au choix fait par Eastwood de filmer les combats sur un ton très héroïque. J'aurais même pu dire presque comme un clip de campagne de recrutement si seulement le réal' n'avait pas choisi de montrer malgré tout la brutalité de la guerre avec ses blessés et ses morts brutales.

Non, rien n'est épargné au spectateur et rien ne peut permettre d'affirmer que le film est républicain ou démocrate, pro-USA ou une critique de la société guerrière américaine. Le spectateur voit ce qu'il a envie de voir et non la position adoptée par Eastwood.
Et cela, c'est quelque chose que j'ai particulièrement apprécié venant de lui sachant que son bord politique n'est un secret pour personne. Il n'a pas utilisé le film à des fins de propagande mais a juste voulu livrer une oeuvre, une démarche purement artistique, dans laquelle l'acteur et le réalisateur engagé s'efface et ne juge pas une seule seconde le sniper, laissant cette tâche au spectateur s'il le souhaite.

Et cette intention de livrer une oeuvre purement artistique a été atteinte car le film est très beau, très grand et très bien filmé. On ne s'ennuie pas pendant les deux heures que dure le film grâce à un montage classique mais efficace, une histoire intéressante, des passages haletants et d'autres qui nous laissent réfléchir.
Mais je ne pourrais pas faire une critique de "American Sniper" sans faire l'éloge de Bradley Cooper, un acteur qui monte de plus en plus en puissance et qui sera dans un futur proche de la même trempe que Leonardo Di Caprio ou Matt Damon par exemple : des stars certes mais des stars très talentueuses et qui savent choisir leurs projets. Ici, Cooper s'investit physiquement et mentalement et il livre une prestation hallucinée, s'effaçant derrière le personnage au point de prendre quelques kilos exprès pour le film.

Ainsi, je n'ai pas grand chose à redire ni à ajouter au film, mis à part qu'il méritait de concourir pour l'Oscar 2015 du meilleur film.