L'horreur pure, nue et crue
Indéniablement, Amour d'Haneke est une violente claque.
Non que ce soit le plus grand film de tous les temps. En revanche, il montre la maladie, la vieillesse et la dépendance comme jamais, sans se laisser aller au voyeurisme, ni à aucune autre forme de sensationnalisme.
Georges et Anne forment un couple âgé. Très cultivés, ils vivent dans le confort d'un appartement bourgeois. Elle est délicate, il est digne. Ils se portent un amour discret, pudique mais que le spectateur devine véritable, à l'épreuve du temps. Le décor est ainsi posé et si Haneke n'a sacrifié que quelques minutes de son film pour le faire, c'est parce qu'il n'a que faire du passé.
Déjà, on sait qu'il va concentrer toutes ses forces à dépeindre le présent. Et parce qu'on voudrait férocement que la mort se fasse douce et rapide pour les protagonistes, il n'en sera rien, car c'est à la fois le vice et le grand art du réalisateur.
Une attaque cérébrale, puis deux. Et voilà un film d'horreur à faire passer "L'exorciste" de Friedkin pour un gentil conte de fée. Un film insoutenable, qui donna envie à beaucoup de quitter la salle de cinéma pour aller respirer un bon coup d'air frais. Un film oppressant qui n'est que souffrance, celle d'une femme tant diminuée qu'elle n'en est presque plus humaine, celle d'un homme seul et impuissant, celle du spectateur qui pense nécessairement à quelqu'un qu'il connaît ou a connu, et qui ne peut s'empêcher de se projeter lui-même dans cette débauche d'horreur.
Tout est vrai. Beaucoup parmi nous ont vécu, vivent ou vivront le calvaire d'Anne et Georges. Il n'y a pas de loi en la matière, rien pour nous rassurer, à l'heure où les débats sur l'euthanasie continuent d'agiter la sphère publique.
Cette violence absolue est la grande force du film. Elle ne le rend pas incontournable pour autant. Non, rien ne nous oblige à affronter les images, si réalistes soient-elles, d'un tel chemin de croix.
Et quand bien même, en sortirons nous plus riches ?
Cette fois la réponse est oui. Ne serait-ce que parce qu'on se rappelera toujours que les personnes enfermées dans la douleur, sans possibilité de communiquer, celles que l'on ne reconnaît plus, celles qui hurlent à la mort dans la nuit, restent des êtres humains.
On se rappellera que seul l'amour apaise, même un peu, même un tout petit peu.
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