Perdre au jeu
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Un peu surestimé ? Oui, comme tous films « multirécompensés » j'ai envie de dire… mais loin d'être inintéressant néanmoins tant la réalisatrice a réussi à jouer avec les détails, à se montrer subtile.
Anatomie d'une chute est un film qui, comme son titre l'indique si subtilement, parle de chute : de la chute d'un corps, de la chute d'un couple… et même, dès ses premières secondes, de la chute d'une balle que le chien de la famille s'empressera de rattraper… et je ne tiens pas à préciser ça, car le chien est le meilleur acteur du film. Surprenant qu'un film qui parle autant de chutes devienne celui marquant l'ascension de sa réalisatrice ? Autant, je n'ai pas trouvé Anatomie d'une chute : L'ascension de Justine Triet dès plus pertinent, autant il m'a permis de savoir que Justine Triet s'attendait à ce que son film bide.
Le couple du film n'est pas sans rappelé celui des deux scénaristes, Arthur Harari et Justine Triet, qui forment un couple dans la vraie vie, avec une inversion des rôles dans le couple, qu'on retrouve aussi dans le film : un couple d'écrivain, mais un couple dans lequel on retient davantage la femme que l'homme. Cela n'empêche pas pour autant le mari d'être toujours là, d'avoir un rôle quasi fantomatique, à la fois dans le film et hors du film, et que la seule présence de l'acteur l'incarnant (à l'exception des scènes montrant le personnage décédé au tout début), Samuel Theis, se fasse lors des flashbacks. Des flashbacks utilisés avec parcimonie : une première fois pour illustrer l'enregistrement audio récupéré, une seconde fois, uniquement l'image, pour illustrer le témoignage de Daniel, laissant entrevoir le fait que ce témoignage pourrait très bien être biaisé.
Le film ne cherche donc pas à savoir si Sandra est coupable. Le verdict est d'ailleurs ici plus affaire d'un choix subjectif que d'une conclusion objective, comme on devrait pourtant s'y attendre avec la justice : c'est bien l'enfant, celui qui se rapproche le plus de la cécité, d'une certaine image de la justice, mais qui paradoxalement est le plus biaisé, car étant membre de la famille, qui, à travers son témoignage final, dont on peut facilement remettre en doute l'authenticité, va conduire les juges à désigner Sandra non coupable.
Anatomie d'une chute est bien une histoire : on écoute des témoignages dont on peut aisément remettre en doute l'authenticité, et les experts qui viendront témoigner à tour de rôle défendront, eux aussi, l'histoire à laquelle ils croient, une vision, et qu'importe si ces visions sont contradictoires (on notera que les hommes qui viennent témoigner ont tendance à considérer Sandra comme coupable, et inversement). À aucun moment Triet cherche à nous montrer, à chercher, la vérité. Le spectateur est à mettre dans le même panier tout compte fait : il choisit, lui aussi, ce qu'il a envie de croire… pour ma part, c'est le fait que Triet ait demandé à Sandra Hüller (et la réalisatrice voulait absolument tourner avec cette actrice, au point où elle a écrit le rôle pour elle) de jouer comme si elle était non coupable qui me pousse à penser qu'elle ne l'est pas justement, confirmant le fait que ce n'est pas dans le film qu'on obtiendra une réponse.
Bref, même si je n'irais pas jusqu'à qualifier Anatomie d'une chute de véritable chef-d'œuvre du cinéma, ça reste un très bon film, et forcément, ç'a m'a donné envie de voir d'autres films de la réalisatrice (comme pour la majorité des spectateurs, Anatomie d'une chute était mon premier). De toute façon, rien que pour le jeu du chien et les larmes de Destination Ciné, ça valait le coup que ce film existe.
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Créée
le 14 mai 2024
Critique lue 21 fois
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