Perdre au jeu
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La balle, négligemment abandonnée, entame une danse solitaire, ricochant avec une grâce macabre, puis est soudainement interrompue dans sa chute. L'atmosphère déjà lourde au rythme d'un battement discret de basses se transforme brutalement en un martèlement assourdissant des colères, frustrations et larmes, dissimulés dans les cloisons d'une décennie de vie de couple. Une tension hypocritement masquée mais facilement décelable entrainera le drame d'une vie.
L'installation de la réflexion en première partie permet un jeu de mise en scène focalisé sur le lieu de vie et du drame. Un chalet en travaux depuis deux ans, enseveli sous la neige et dont la fenêtre ouverte donne sur le corps inerte du père. Comment la victime a-t-elle pu chuter ? On reconstitue, on recolle les morceaux, on analyse les circonstances. Ces quelques éléments introduisent peu à peu le drame familial qui a fissuré les murs de ce chalet.
La deuxième partie, cloisonnée entre les quartes murs d'une salle d'audience, tente de répondre à une seconde question : pourquoi la victime a-t-elle chuté ? La conduite d'un procès, loin d'être la quête de la vérité absolue que toute fabulation envisagerait, n'apporte aux jurés que les éléments utiles à sa reconstitution partielle. Le voile opaque enveloppant les évènements ne semble pas plus s'éclaircir au fil des éléments apportés par le procureur, agressif et cynique représentant du ministère public. Le spectateur, investi du rôle de juré, se trouve victime de sa position passive : il est contraint à l'analyse des preuves entourant les circonstances d'un drame survenu au sein d'une tourmente familiale complexe, dont les confins semblent lui être inaccessibles à jamais. Et c'est là que se trouve l'enjeu du film. Aucune preuve, qu'elle soit issue d'un enregistrement audio tangible ou de la mémoire évanescente d'un enfant de onze ans, ne permettera jamais d'établir une vérité entière et absolue. Le doute pèse partout et à tout instant, tant sur les éléments accablants l'accusée que sur les discours que celle-ci porte aux jurés.
Mais alors, comment rend-on justice ? Toutes les questions soulevées sur la culpabilité de l'accusée n'obtiendront jamais de réponse certaine. Le spectateur impuissant demeure ainsi dans l'antichambre du récit depuis laquelle l'insaisissable vérité n'est jamais qu'entrevue si elle n'est doutée. Il est hors de notre portée de s'immerger dans les pièces où se sont tissées les fondements d'un drame. Même les éléments apportés sur les circonstances de celui-ci ne retraceront jamais l'ampleur de sa complexité. Le film se fige, le doute plane encore et la chute reste suspendue.
Créée
le 26 févr. 2024
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