" Je veux du sexe mais pas d'amour, pas de baiser, pas d'être aimé, pas d'alentour ..."
Si l'on reprend les mots de Beaupain, titre de cette critique, on peut penser à Angèle au début de ce film qui commence par un p'tit coup, comme ça dans un coin. Première scène qui nous présente d'emblée Angèle, une fille un peu sauvage mais douce à la fois parce que complètement perdue. Elle ne sait pas très bien comment s'exprimer et puis surtout elle ne semble pas avoir vraiment appris la subtilité. C'est après avoir déposé une petite annonce,qu'elle rencontre Tony, marin. C'est un peu la Stéphanie de "De rouille et d'os" mais avec des jambes. Une petite femme qui ne sait plus bien comment avancer dans la vie... Ce n'est pas que Tony le sache mieux qu'elle mais bon, ils vont essayer quand même, avec peu de mots, peu d'envie aussi de s'apprivoiser, doucement dans un milieu peu propice à la beauté des corps, très masculin où Angèle tente de s'insérer en vidant des poissons.
C'est un duo d'acteurs qui alors se lance où gravitent, autour, des seconds rôles: des parents, des grands-parents et même un fils qu'elle voudrait récupérer tout en ayant aussi peur que lui de se retrouver enfin. Il y a cette scène magnifique à l'école... Peu à peu les deux "amoureux malgré eux" tendent l'un vers l'autre leur coeur, celui qu'ils ont malgré toutes les tentatives pour le cacher, leurs yeux se font de plus en plus insistants quand ils se regardent et à la baise rapide que souhaitait Angèle succède l'envie réelle d'être avec l'autre même maladroitement, même avec l'espoir fragile d'un bonheur plus grand.
C'est un film rempli d'émotion et de justesse, où on passe beaucoup de temps à filmer Angèle à vélo. Un film qui filme la remontée vers le ciel de ce grand albatros à la Baudelaire, que Clotilde Hesme incarne avec cette petite tragédie que contient son jeu. Un albatros échoué sur un bateau avec ses "ailes de géant [qui] l'empêchent de marcher". Mais les hommes d'équipages tenteront d'abord la froideur avant d'accepter la douceur pour que l'albatros enfin puisse courir sur la plage toujours attaché à la Terre mais plus très loin de la grâce du ciel.
La force de ce film qui peine à démarrer et dont l'histoire peut paraître simple est d'abord ses deux interprètes Grégory Gadebois (déjà superbe dans "Les Revenants") et Clotilde Hesme (cette femme au visage tragique et beau, qui apporte cette consistance à un personnage presque fantomatique: elle a cette sorte de corps dont elle ne sait que faire et puis quelle douceur dans la voix) et par un scénario qui va crescendo et suit ces êtres dans leur retour à la vie, doucement, sans être plus brusque qu'ils ne le sont déjà avec de belles fulgurances. Et c'est finalement l'émotion, qui surprend les personnages autant que le spectateur, qui l'emporte ...