Depuis 2022, le Festival de Cannes met en avant le cinéma jeune public à travers une sélection spéciale souvent fructueuse en festival... mais rarement au rendez-vous qualitativement. L'année inaugural fût présenté Le Petit Nicolas : Qu'est ce qu'on attend pour être heureux ? qui, malgré de très bonnes et le Crystal du long métrage 2022 au Festival d'Annecy, n'arrivait pas à se dépêtrer d'intentions pas toujours saine. L'année suivante, Robot Dreams a remporté le grand prix contrechamp à Annecy et a même été nommé aux Oscars dans la catégorie meilleur film d'animation, mais se révèle très pénible à suivre malgré un scénario pitch sympathique. Cette année 2024, l'animation revient en force à Cannes avec 6 films d'animation dans les différentes sélections, dont deux en séance spéciale jeunesse: Sauvages, nouveau film de Claude Barras après Ma vie de Courgette, au côté d'un des plus gros projet d'animation français de l'année: Angelo dans la forêt mystérieuse (précédemment nommé Dans la forêt sombre et mystérieuse). Le film signe le grand retour de Vincent Paronnaud en animation après deux réalisation (dont le célèbre Persepolis) en co-réalisation avec Marjane Satrapi. Ça a été un projet riche en actualité, passé plus de deux fois au Cartoon Movie de Bordeaux à la recherche de financement et de distributeurs, la production franco-luxembourgeoise était attendu... jusqu'à que les premières images aient offert une douche froide à bon nombre (dont moi). Et puis vient la première bande annonce qui, pour le coup, avait de quoi rassurer, semblant sous-entendre des inspirations à la Gumball, ce qui pouvait promettre un moment rare mais risqué. Parce que Gumball est une œuvre complexe, à la réalisation rarement égalé, tenant sur un fil et à l'exécution exemplaire, sans que quiconque n'ait réussit à arriver ne serait-ce à la cheville de l'humour léger et irrévérencieux du chat bleu de Benjamin Bocquelet. Angelo a les moyens (malgré des difficultés évidents de réalisation à la vu de l'ampleur), a le réalisateur, a eu le temps... est ce que cela s'est concrétisé ?
Dès son ouverture et son premier acte, le film affirme une volonté de se détacher des conventions du cinéma d'animation jeunesse grand public. On se moque de manière méta des crédits d'ouverture en trouvant ça chiant, Angelo s'adresse face au public pour nous introduire à ses aventures qu'il vit au petit déjeuné... Tout pousse à aller au delà des conventions. On est très vite plongé dans des codes que l'on peut retrouver chez Gumball, principale source d'inspiration humoristique qui, là aussi, repousse les limites des conventions. entre la 2D et la 3D, c'est une série qui repose sur la référence d’œuvres extérieurs et le contraste qui peut se créer entre l'imaginaire (généré par la suspension d'incrédulité) et la réalité dans laquelle des personnages 2D tentent de vivre une forme de normalité. L'humour réside dans l'instauration d'un cadre enfantin et bourré de codes audiovisuels qui, au contact d'une réalité concrète (les connaissances du spectateur vis-à-vis du monde réel, celles vis-à-vis des codes du dessin animé jeunesse et des clichés qui peuvent dicter certaines œuvres moins regardantes, le regard critique sur la vraisemblance de l'instant...), est voué à ne pas nous apparaitre de manière conventionnelle. Tout se retranscrit à travers la confrontation d'un univers photo-réaliste3D avec des personnages 2D, où l'imaginaire du cartoon vient à se confronter physiquement à la réalité. On peut se dire qu'il est impossible de prendre au sérieux un imaginaire concret se reposant sur cette base, celui-ci étant constamment regardé à travers une forme de cynisme vis-à-vis des codes qui peuvent être essentielle à la création de ce dit univers. Cela explique pourquoi des séries comme Robot Chicken, se reposant exclusivement au détournement de la culture audiovisuel américaine, ne puisse pas avoir de fil rouge réellement construit car, à force de se moquer des codes, il viendrait comme un manque de goût l'idée de réutiliser les codes qui sont la source de moquerie de la série. Pourtant, à travers l'instauration d'une cohabitation entre des personnages d'univers différents dans un monde semblant brisé, Gumball accomplit l'exploit de faire croire un univers concret, rythmé par des codes et conventions, tout en s'évertuant à détourner ces mêmes codes en permanence à un rythme d'un gag toutes les 30 secondes par épisode de 10 minutes. Tout repose alors sur un paradoxe, une fine ligne où l’aspect fictionnel de l’œuvre est connu du spectateur, est mis en avant en permanence à travers son humour, mais se doit de proposer un cadre pour que tout puisse cohabiter dans une narration cohérente. Dans le cas d'Angelo dans la forêt mystérieuse, cet humour intervient lorsque la jeunesse d'Angelo vient à être influencé par le regard trop moderne a développé dans le monde réel. D'une part il y a les aventures imaginaires d'Angelo présentés dans une démarche qui veut aller toujours plus dans l'excès. Dans un premier degrés contrastant totalement avec la candeur du personnage, ce dernier va s'imaginer comme un stéréotype d'aventurier Bear Grylls sous stéroïde cultivant une image stéréotypé de l'homme virile et masculiniste, et sur le papier, l'humour du film fonctionne. On sent l'irrévérence, la prise à bras le corps d'une modernité, de références finement pensées qui vont dynamiser des séquences pouvant paraitre clichés, et certaines séquences sont vraiment drôles même pour les adultes. Plusieurs fois je me suis surpris à rire premier degrés à des scènes, notamment avec l'antagoniste principal où cet humour prend pleinement son envol et où le rythme y est parfaitement jaugé.
Pourtant, le film n'est pas plus humoristique dans sa structure qu'un film d'animation jeunesse traditionnel comme Samsam le film. Oui le film est très drôle, mais les séquences ne sont pas toutes écrites comme des scènes humoristiques et si les séquences acquièrent une légèreté et un sens du tempo comique, celle-ci ne participent pas toutes à pousser à la bouffé délirante sans structure ni réflexion façon gaz hilarant que tu aspires pendant 1h20. Il est avant tout question d'aventure et d'exploration d'un univers riche et fantastique, où Angelo sera amené à rencontrer différent personnages qui l'aideront (ou non) dans son aventure (on y reviendra un peu plus tard). Je mentionnais plutôt le film Samsam, mais le film en reprend beaucoup de caractéristique, que ce soit dans la confrontation entre Angelo qui doit grandir et l'antagoniste qui refuse de grandir, ou encore dans la manière de parcourir des univers colorés radicalement différents les uns des autres. Il en vient l'impératif que tout s'harmonise, avec une aventure qui suit des codes que l'humour cherche remet en question en permanence, et la volonté de se conformer à une manière penser l'aventure que le film n'approuve qu'à moitié. A cela, il n'y a qu'en jonglant habilement entre les genre et les démarches que l'une peut cohabiter avec l'autre. Le soucis étant qu'à la suite de décisions très étranges, l'un va très rapidement prendre le pas sur l'autre, et va totalement dénaturer le projet.
Je vous mentionnais l'introduction, riche en gags visuels et rythmiques qui fonctionnent... mais disons plutôt qu'ils sont fonctionnels plus qu'ils fonctionnent. La chose étant que l'humour qui est mis à l'honneur fonctionne avant tout grâce à la rupture de ton que la vanne créé vis-à-vis des codes qu'il approprie, et surtout grâce à l'effet de surprise. Une vanne que le spectateur arrive à anticiper, avant que le film l'ait introduit, est une vanne qui ne peut plus fonctionner (remember l’exécrable film Les Daltons), et cette séquence d'introduction est l'illustration d'un sérieux problème de cohérence de ton et d'intention. Dans une volonté de vouloir donner un cadre les vannes référentielles trop en dehors des clous, le film va pour alléger le rythme de ces vannes avec un montage moins énergique et cadrer le tout avec des transitions. L'humour devient alors très peu efficace par rapport à son potentiel, étant entretenu par un rythme beaucoup trop lent et dont la présence est souligné par des flous de mouvement qui t'indiquent quand est ce que la scène devient comique. Imaginez les séquence de 22 dans Soul avec un rythme beaucoup plus consensuel et un flou de bougé pour t'indiquer que la scène devient comique: c'est la définition même de la direction artistique contre-productive. Quasiment toutes les séquences humoristiques souffrent d'une exécution trop timide et hésitante, trop dans une optique de vouloir rester sobre et "raisonnable" en employant modérément un humour qui exige à aller dans de la démesure. Les seuls épargnés sont l'antagoniste et ses serviteurs, des yeux sur des queues robotisés, qui sont tous à leur meilleur et volent quasi toujours la vedette. Malheureusement, ils n'arrivent pas à être assez présent pour que leurs présence arrive à faire oublier le rythme et le climat ambiant qui pousse à considérer cet humour rafraichissant presque comme une faute de goût. On pourrait presque excuser cette mauvaise exécution de l'humour car n'étant pas le centre du film, mais le soucis étant que le film n'a pas grand chose d'autre à offrir si on n'arrive pas à accrocher d'entré de film.
Si Angelo est amené à traverser des épreuves et à vivre une aventure, celui-ci n'est pas voué à évoluer car l'aventure qu'il vit n'a pas de lien concret avec un quelconque objectif personnel ou matériel. Il veut rejoindre sa grand mère en traversant la forêt, il y arrivera sans foncièrement remettre en question qui il est au fond de lui. Les épreuves en elle-même ne sont pas tant faites pour le faire évoluer, c'est le choix ou non d'entreprendre ses épreuves malgré tout qui guideront le personnage vers ce qu'il a envi d'être. S'il "évolue" en un personnage moins machiste et qu'il abandonne peu à peu son personnage de Bear Grylls, c'est parce qu'il avouera lui même que cette vision est volontairement exagéré parce qu'il n'était pas vraiment ce guerrier virile et machiste au fond de lui. Il en vient un constat assez amer et dérangeant à la fin du visionnage: 80% du récit n'influe pas sur le parcours d'Angelo vers chez sa grand mère. Tellement les scènes peuvent ne pas avoir d'influence entre elles, tellement le parcours d'Angelo n'influe en rien sur ses possibilités de retrouver sa mère, que même si l'on coupait plus de la moitié du film, la fin resterait strictement la même. On a presque l'impression de remplissage et d'empilement de séquences pour "meubler" (on y reviendra plus tard). La chose étant qu'il est presque annoncé d'entré que ce que vit Angelo est un rêve, toute l'aventure part de ce postula, et qu'il aura beau rêver de toute ses forces, les rêves d'Angelo ne pourra pas l'amener chez sa grand mère, on n'est pas dans Sharkboy et Lavagirl. C'est en grande parti pour cela que les personnages fantastiques que rencontrera Angelo ne pourront pas l'aider à retrouver son chemin et, in fine, auront presque l'impression de servir à rien. Cela est renforcé et mis trop souvent au même niveau que les (trop) nombreux échanges, entre le père et un GPS utilisant l'intelligence artificielle, qui n'a aucune forme d'intérêt mis à part une blague philosophique. Le récit n'a donc aucune valeur symbolique ou narrative, les personnages n'influent en rien la possibilité d'Angelo de retrouver (ou non) sa mamie... peu être que la direction narrative n'a pas grand chose à offrir, mais on peut se demander si la direction artistique peut remédier à cela, et là vient l'un des plus gros problème du long métrage: le film manque cruellement de soin et d'attention.
Je vous avais évoqué la présence en sur-nombre de flou de bouger pour illustré des transitions entre les séquences où Angelo prend son petit déjeuné et celles où il se croit aventurier. Ces transitions sont même un peu moches et pas des plus réussites, en plus de revenir un nombre incalculable de fois, vu que le film veut montrer plusieurs cas où le contraste entre l'aventure rêvé et la réalité est le plus évident. La séquence est pas mauvaise quoi qu'elle aurait pu être meilleure mais, ajouté au reste du long métrage, on en vient à se demander si quelqu'un a réellement vu le résultat final et (si oui) pourquoi personne n'a réagit à ce qui semble être des mauvais choix artistiques. En effet, le film accumule les choix artistiques qui sont soit mal faits, soit mauvais. L'un des plus évident reste le traitement de la 3D qui est très épars. Le film prend le choix audacieux de faire un même design et un même style 3D pour tous les univers 3D, mais aussi qui permettrait à Angelo de rentrer dans des univers 3D (dans une direction très réaliste ou très cartoon) ou même 2D (avec le style Rubber Hose ou même des style plus minimaliste). Celui-ci peut marcher sur certaines séquences bien précises (notamment le climax qui est très coloré), mais n'arrive jamais à être cohérente avec l'ensemble du film. C'est pour cela que certaines séquences (notamment dans le monde réel avec une lumière style lumière naturel) sont réalisé avec un minimum de mouvements de caméra, souvent de face, de tel sorte à ce que l'on ait pas à voir la forme complète du crâne d'Angelo qui est franchement peu ragoutant. La chose est d'autant plus perturbante lorsque viennent s'ajouter la texture grasse et trop lice de la peau, et que l'on y ajoute des détails peu ragoutants (comme les rides ou les rougeurs du nez), on obtient presque certains design effrayant de marionnette dans l'émission téléchat. A ce concours, la palme revient au nuage qui est tout bonnement épouvantable, l'un des personnages les plus moche qu'il m'ait été donné de voir de la décennie. La chose est d'autant plus grave quand on remarque les différentes bricoles pour rendre le personnage "présentable", avec des scènes essentiellement filmées de loin ou zoomer de très près pour en montrer le moins possible, car même avec ce genre de triche le personnage arrive à être laid. C'est à ce moment là qu'on peut se poser des questions sur le cheminement de pensé qui amène à ce que le film reste tel qu'il est. On peut louer le courage d'expérimenter, mais pourquoi conserver le film en l'état alors que certains personnages sont irregardable au point que la réalisation doit s'adapter à leurs laideurs. Mais plus que le design des personnages et de la modélisation, la réalisation est plus que moyenne. Certaines animations de personnage paraissent saccadés (parfois sur un même plan où un autre personnage aura une animation plus fluide, et certains même paraissent bâclé tant elles ne paraissent pas crédibles. J'évoquais des yeux vers de terre qui se déplacent avec leurs queues, mais aucun vers n'arrive à avoir un déplacement correct tant tous ont l'air de se déplacer sur des rails, et tant le mouvement de leurs queues n'est pas raccord avec le mouvement du personnage. Cela fait depuis Monstre et inc que le monde de l'animation sait animer de queues de limaces ou de serpent, et depuis minimum 7 ans dans l'animation française en 3D (avec Sahara), comment on est sensé interpréter le manque de soin en la réalisation ? Surement qu'il y a eu de sérieux problèmes de production et que le travail en duo à la réalisation n'a pas dû aider quant à la cohérence d'ensemble, mais comment justifier que le minimum esthétique ait l'air de tenir à pas quand chose ? Il y a une séquence utilisant de style Rubber Hose en noir et blanc avec des grains de pellicule, il y a des mouvements de caméra. A quel moment tu réalises une séquence de trente secondes dans un style aussi codifié, et tu arrives à créer des incohérences aussi visibles ? Plus qu'être véritablement dérangeant en tant que tel (même si les animations de personnages qui saccadent peuvent sortir de l'instant), ces séquences participent à un sentiment de négligence global que l'on peut parfois ressentir, se rapprochant par moment de l'attention que peuvent avoir les animateurs sur des téléfilms, et nous fait sortir du film. Cela s'ajoute au sentiment de remplissage et au scénario sans enjeux qu'on peut rapprocher, avec un peu de mauvaise foi, à celle d'un épisode de Samsam étiré sur 1h. Tout cela vient faire un cocktail qui ne réussit pas franchement au film, et nous laisse frustré face à un film qu'on aurait pu voir sous un meilleur jour, qu'on peut penser comme mauvais... alors que le film est formidable.
Plusieurs fois durant le film, Angelo sera amené à comprendre que peu importe le point de départ ou l'arrivé, l'essentiel reste le chemin parcouru, ainsi que le voyage en lui même. Le voyage n'est jamais plus beau lorsque l'on s'abandonne à la beauté de voyager sans en attendre quelque chose en retour, tout le propos de fond du film repose là dessus. Si les séquences semblent s'enchainer et s'empiler sans réel sens apparent, celles-ci servent avant tout à transporter le spectateur hors de sa zone de confort, le faire rencontrer des personnages divers, et de prolonger la beauté de s'ouvrir au monde dans ce qu'il a de plus divers. Faute d'être entièrement soigneux quant à la beauté esthétique du long métrage, les réalisateurs ont tout de même un amour inconditionnel vis-à-vis du monde qu'il met en scène, et ont à cœur de nous faire apprécier chacun de ses composants. Les personnages sont fascinants et sont tous attachants, les paysages sont somptueux, et il en vient un plaisir régressif que de suivre Angelo dans ce monde qu'on aimerait jamais quitter. Tout respire d'une poésie folle qui enivre et nous laisse rêveur. Que ce soit les fourmis soldat ou même le récit tragi-comique de l’écureuil qui s'identifiait oiseau, chacun a sa place dans un monde qui se veut comme un endroit sûr pour tous les laissés pour compte, comme un enfant oublié sur le bord de la route. Il en vient une forme de tristesse sincère lorsque les personnages sont amenés à se dire au revoir car, malgré que l'on s'est accordé sur la facticité du monde de la forêt, on a la profonde impression que l'aventure était réelle. La chose étant que les sentiments vécu par Angelo étaient pur et authentiques, que nous les avons vécu parfaitement en tant que spectateur, et que l'importance est avant tout le voyage plus que l'arrivé. Le film arrive alors à sublimer son propos à travers un parcours qui peut paraitre chaotique, mais dont on retient surtout la fantaisie espiègle avec laquelle elle arrive à nous captiver.
Angelo dans la forêt mystérieuse se révèle finalement être un excellent film, plus malade que malhonnête, où les bonnes intentions et les bons sentiments arrivent à prédominé dans un cadre qui peut soulever quelques réserves. C'est un film tendre et poétique qui fait voyager, et qui m'a fait l'effet d'un coup de cœur inattendu. Dommage que le tableau soit terni par une exécution technique qui peut remettre en cause la sincérité avec laquelle le film veut nous faire rêver. Si je vous ai fait part de mes réserves et des défauts qui peuvent gâcher la beauté du film, c'est aussi pour souligner à quel point le film peut être un plaisir immense à suivre, et qu'il est cruelle que de gâcher ce plaisir avec des erreurs aussi grossière.
13,25/20
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