Déjà presque une semaine que j'ai vu cet Anna Karenine, et certaines scènes ne cessent de me revenir en mémoire.
Il fallait donc que je vous en parle.
En fait, c'est surtout les dix premières minutes qui sont absolument extraordinaires.
Une troupe de gradés (russes, puisque nous sommes dans une histoire qui se passe en Russie avec plein de personnages russes… En fait il n'y a qu'eux. Mais je crois que c'est normal: c'est tiré d'un roman russe. Cependant, tout ce petit monde parle anglais, cela va de soi), une troupe, donc, décide de faire une fête. Une fête russe.
Après un apéro dans les règles de l'art (caviar vodka ?) rapidement expédié, la garnison passe à table. S'en suit un travelling arrière ahurissant de la dite-table autour de laquelle se presse l'assemblée.
Juste après, on retrouve nos joyeux drilles dans un cabaret, toujours regroupés autour d'une (autre) table, ce qui, vous en conviendrez, est franchement de nature à nous les rendre sympathiques. En bout de celle-ci, ce qui doit être un général, donne les ordres. A chaque injonction ("un !", "deux !", "trois !") chacun de s'enfiler cul sec un des trois godets placé devant lui. Après la première salve slave, le général disparait sous la table, aussitôt suivi de tous ses collègues. Le petit manège franchit toute la longueur de la table (mais sous elle) à quatre pattes avant de reprendre sa place. Le cycle peut ainsi recommencer jusqu'à ce que coma éthylique général s'en suive. Grandiose.
Vu la maitrise et le brio affiché devant cette superbe introduction, difficile de se dire que Clarence Brown, le réalisateur, soit si peu connu par ici, malgré la longueur de sa filmographie. En tout cas, voilà de quoi me donner une méchante envie d'en découvrir un peu plus.
Côté acteur, c'est du velours côtelé. Le jeu de Greta est conforme à son physique, comme à chaque fois: elle oscille entre le pathétique et le sublime. Cette femme possède au moins de la grande star une des vertu principales: le mystère.
Mais elle a l'art de nous emmener avec délice au cœur des récits qu'elle sert. Elle favorise une superbe narration.
Frederic March en Vronsky transit et Basil Rathbone, en mari jusqu’au-boutiste, sont impeccables.
Ne comptez pas sur moi, enfin, pour comparer le film au livre de Tolstoï. Pour la bonne raison, bien sûr, que je ne l'ai pas (encore ?) lu. Mais cela ne gène nullement le plaisir de découvrir ce moment empli d'amour, d'humour, de tragédie et de scandale et qui n'a pas perdu une once de la modernité de son propos initial, si ce ne sont ces deux ou trois scènes un brin mélos, mais qui ne gâchent en rien l'ensemble.
C'est pas comme si il n'y avait pas un sacré auteur à la base de toute cette histoire.