Alors que les Warren (Patrick Wilson et Vera Farmiga) partent en week-end, leur fille Judy (Mckenna Grace) reste seule avec sa baby-sitter Mary Ellen (Madison Iseman) et son amie Daniela (Katie Sarife). Seulement, cette dernière est une incorrigible fouineuse, et c’est très logiquement qu’elle met les pieds dans la pièce interdite des Warren, salle où le couple entrepose tous les objets ayant servi à une possession démoniaque. Lorsque Daniela libère involontairement la poupée maléfique Annabelle, elle ne se doute pas qu’elle vient de lancer un appel à toutes les entités malfaisantes ayant un lien quelconque avec les objets de la pièce interdite… et de saboter tout son week-end entre amies.
Parfois, je me demande s'il y a encore de vrais cinéphiles sur SensCritique. Que les vrais cinéphiles aient déserté SensCritique est bien la seule explication que je pourrais fournir à la moyenne si basse de ce film... Parce qu'autrement, je ne comprends pas comment, en étant fan d'horreur et fan de cinéma, on peut détester ce 3e épisode d'Annabelle.
Avant d'y revenir, déjà, je suis frappé par la grande qualité de cet univers cinématographique : il y a un style qui se retrouve de film en film et pourtant, chaque épisode réinvente totalement les codes de cet univers. Chaque film nous fait peur (ou essaye) toujours d'une manière différente des autres.
Avec Annabelle : La Maison du Mal, Gary Dauberman tente encore quelque chose que Conjuring 2 avait esquissé, mais il le fait différemment : l'attente. Mais alors une vraie grosse attente, pas juste quelques secondes avant un jumpscare, non, là, on attend en permanence la vacherie, et encore plus merveilleux, il y a plein de fois où elle arrive pas ! Dauberman a compris que l'essence même de l'horreur résidait dans l'attente avant le jumpscare bien plus que dans le jumpscare lui-même, et il en fait ici le concept de base de son film. Bon, il y a encore quelques jumpscares raté (d'autres très réussis), mais il n'y a pas que ça du tout.
S’il est une qualité dont Gary Dauberman fait preuve pour sa première réalisation, c’est bien d’avoir su adopter exactement la démarche qui convient à un film d’épouvante post-Wan : puisque le degré suprême de la peur semble avoir été atteint, au lieu de simplement essayer de faire peur, il faut décaler l’angle de vue. C’est bien ce que Dauberman fait, en adoptant très clairement la position du pastiche. Ce faisant, il fait exactement ce qui manquait à La Malédiction de la dame blanche : il fait preuve d’un second degré salutaire en tous points, tout en se gardant avec intelligence d’un humour destructeur.
Il semble bien difficile de faire comprendre cette notion de pastiche au spectateur contemporain, égaré dans un premier degré révélateur d’une grave carence intellectuelle. Royaume du second degré par excellence, le pastiche doit réussir à capter l’essence du modèle qu’il reprend, tout en s’en amusant, mais sans basculer dans la parodie en s’en moquant. L’essentiel est donc de trouver comment faire ce qui a toujours été fait par les modèles cités, tout en distordant juste assez les codes utilisés pour montrer qu’on est bien conscient de le faire. Et c’est précisément ce que fait Dauberman ici.
L'autre gros concept du film, c'est le côté Spielberg. Gary Dauberman est un vrai cinéphile, un vrai de vrai, et il nous offre ici son Stranger Things : un film-somme qui rend hommage de 10 millions de manières différentes au cinéma de l'ère Spielberg. Et je suis désolé, mais c'est juste génial ! Tu veux une banlieue américaine bien normale ? La voilà ! Tu veux une télé qui s'allume toute seule ? Bien sûr qu'elle est là ! Et pourquoi pas un loup-garou ? Ben oui, on est dans les années 80, quand même ! Tu veux la machine à écrire de Shining ? Cherche bien, elle est déjà là ! Tu veux des adolescents écervelés ? Que serait un hommage aux années 80 sans eux, voyons...
Bref, il y a TOUT dans ce film, et c'est ça qui est génial. Ceux qui trouvent ce film mal écrit ignorent tout, ou bien de l'horreur, ou bien des années 80, je ne vois pas d'autres possibilités.
Ce qui sauve le film, c'est donc précisément ce que critiquent ses détracteurs, ce qui n’en rend que plus ironique la réception au premier degré par des spectateurs incultes, reprochant au film sa manie d’en faire trop. En faire trop, c’est précisément le but que cherche à atteindre Gary Dauberman ici. On a connu des critiques plus constructives que de reprocher à un créateur d’avoir réussi à atteindre son but…
L'hommage à l'ère Spielberg permet à Dauberman de nous offrir des scènes relativement originales dans leur gestion de l'horreur (certes pas toutes), et surtout de faire le film-somme dont il rêvait. Ce qui fait finalement de ce troisième Annabelle un peu le Poltergeist du XXIe siècle, un film tellement généreux qu'il en fait trop sur tous les plans, et que c'est pour ça qu'on l'aime !
Quoiqu’il en soit, cela ne signifie malheureusement pas qu’Annabelle : La Maison du mal soit dénué de tous défauts. Un des principaux est peut-être (mais ça se discute) d’attendre une heure avant de véritablement passer à l’attaque, là où une demi-heure aurait suffi à construire la même masse narrative. Pour autant, quand le récit décide de se lancer dans l’horreur, il le fait brillamment, en nous offrant une succession de scènes qui ont tout pour devenir cultes, tant leur maîtrise de l’angoisse est excellente…
L'autre, peut-être le seul vrai défaut, c'est que ce film témoigne encore une fois de l'impossibilité d'écrire un climax vraiment convenable dans les films d'horreur démoniaques ou fantômatiques actuels. Le problème, c'est que pour conjurer le sort, soit c'est beaucoup trop facile (comme ici : on ferme la porte, c'est fini), soit c'est trop classique (encore un exorcisme ?). Etonnant et un peu triste que les scénaristes n'arrivent plus à trouver de nouvelles idées...
Mais bon, s'ils sèchent pour trouver comment réinventer le genre en profondeur, qu'ils hésitent pas à me filer un coup de fil, j'ai un tas de trucs à leur proposer !