Vraiment, ça faisait bien longtemps qu'on n'avait pas vu autant de cinéma dans un film ! Une proposition si singulière, un long métrage de cet ampleur !
Quel plaisir de découvrir en Ouverture de Cannes (le film est également en compétition officielle et concourt donc pour la Palme) ce nouveau Leos Carax, 9 ans quasiment jour pour jour après la sortie d'Holy Motors.
Annette est sans aucun doute plus accessible que ce précédent long métrage qui, s'il fait aujourd'hui figure de film culte, n'avait pas beaucoup brillé au box-office.
D'entrée de jeu, on est plongé dans l'univers étrange de Carax par la voix du réalisateur qui prévient : restez sages, prenez une grande inspiration et retenez votre souffle pendant les 2h20 que dure Annette.
La scène d'ouverture, un long plan séquence chorale débutant dans un studio de cinéma pour s'évader à l'extérieur dans les rues nocturnes d'une grande ville américaine est complètement dingue. Accompagné d'une musique enivrante des Sparks, cette séquence fait immédiatement penser à l'intermission d'Holy Motors, la déambulation à l'accordéon de Denis Lavant dans l'église.
On retrouve dans Annette cette même ambition démesurée du réalisateur (on se souvient du budget faramineux des Amants du Pont Neuf) : faire les choses en grand, emmener le spectateur dans des rêves grandioses. La séquence du concert d'Annette dans le stade, au sommet d'un pic flottant dans les airs, en est le témoin.
Annette mélange très intelligemment les genres, comédie musicale, comédie romantique, drame... Disons qu'il s'agit d'un film Opera.
Marion Cotillard, beaucoup décriée pour certains de ses rôles, mais flamboyante et vulnérable dans le film, incarne d'ailleurs une cantatrice soprano d'opéra. Un métier qui entre en opposition avec celui d'Adam Driver (lui aussi absolument génial de cynisme), personnalité célèbre du stand up. Son spectacle seul en scène s'ouvre à la manière des films de boxe, et l'espace d'un instant, on se croirait vraiment dans Rocky.
Chacun vit de la scène, et pourtant le monde qui sépare ces deux occupations culturelles va rapidement causer la perte du couple.
Deux salles, deux ambiances, une même réussite que leur amour et l'arrivée d'un enfant va chambouler.
Notons le goût de Carax pour le vert, dans toutes ses formes (couleur d'habitude interdite au théâtre, et très peu utilisée au cinéma) : le rideau du spectacle, le peignoir d'Adam Driver, non sans rappeler le costume du personnage de Merde dans Holy Motors.
Terminons par la sublime mise en scène, qui explore toutes les possibilités qu'offre le cinéma : surimpressions, slit screen, projections d'images en arrière plan (notamment la séquence très impresionante et très poétique de la tempête et du bateau). Nous ne sommes ici plus dans le réel, mais dans un songe et le spectateur est invité à laisser la raison de côté et d'accepter les artifices pour plonger dans le récit).
Globalement, chaque plan est un nouveau tableau qui renouvelle l'expérience. Et c'est pour cela qu'il est si important de découvrir Annette en salle : vivre à 100% cette expérience unique de cinéma !