Leos Carax revient en force pour débuter ce Festival de Cannes 2021 tant attendu après de longs mois d'attentes face à la pandémie qui nous avait privé de celui de l'année précédente. Personnellement je n'ai vu que Holy Motors pour l'instant, que j'ai trouvé bon, même si j'ai encore du mal avec l'expérimental, qui parfois se perdait trop dans l'extravagant pour moi. Mais si sa façon de raconter des histoires ou de raconter du cinéma n'est pas ma préférée, je dois avouer que le réalisateur n'est pas la moitié d'un manche.
Dès le début nous sommes happés dans un montage rythmique, quasi épileptique, intelligent et travaillé. Nous brisons le 4ème mur et faisons une introduction tel un prologue de théâtre, aux prochains évènements qui vont nous faire face. La perspective était intéressante, ce que je déplore c'est que nous n'avons pas ces temps de pause ou de cassage de l'histoire pour briser le mur et parler au spectateur. Oui, évidemment, ça se produit indirectement par la mise en abyme d'Adam Driver sur scène et le public qui interagissent ensemble. Mais ce qui me dérange c'est que dès qu'on rentre dans l'histoire, c'est sans cesse en cadence, en démesure, et on ne peut pas se poser.
Si j'admire la technique des cadres, des lumières bien placées et évidemment de la composition incroyable des musiques, le tout peut être à certains égards TROP. J'aurais voulu qu'il y ait plus de phases de scènes où les gens ne chantent pas. Car ça fait penser aux Parapluies de Cherbourg qui chante exclusivement, et au bout d'un moment, ça monte à la tête. De mon côté je préfère quand il y a des parties chantées, qui elles sont rêvées, hors du temps; et de l'autre, la réalité qui fait mal, qui frappe, qui rétablit la dramaturgie. Je préfère du style Dancer in the Dark où malgré les longues phases chantées, avant et après, on voit qu'il y a quand même du drame silencieux, dur et creux. La partie chantée que j'ai préféré et que j'ai trouvé trèèès juste malgré tout, c'est la fin, avec Annette et Henry. Le moment est si intense, si iréel, si embrouillé, que la musique et les paroles s'enchaînant les unes aux autres collent à la montée en puissance des conflits.
De même cette histoire d'amour m'a parue un peu vague et je ne me suis pas tant attachée que ça, même si c'est la première fois que je trouve que Marion Cotillard jouait vraiment bien. La direction d'acteurs/actrices était bonne sur l'ensemble. Je dois peut-être juste être triste de la tête d'Adam Driver, surtout vers le début où ils se tiennent la main, se baladant dans la forêt, et lui qui tire la gueule naturellement, les sourcils froncés... Je sais pas s'il est flippant quand il sourit le garçon, mais un peu d'effort nom de dieu! J'ai vraiment était impressionnée du jeu d'Annette humaine aussi, l'innocence et à la fois l'amour et la trahison dans ses yeux pouvaient se sentir.
Je trouve ce film bon, je dirais qu'il pêche dans le scénario général, parfois dans un cliché un peu bâteau (haha-)... Notamment sur la mort d'Ann et son fantôme "revenant". En général le film a cette âme enfantine et un peu niaise parfois malgré les scènes de sex ou les morts qui sont incrustées entre deux. J'ai beaucoup aimé l'humour cynique et cruel d'Henry sur scène, c'est la fois où j'ai senti que la gueule d'enterrement naturelle d'Adam collait. Et c'est les seules fois où on pouvait se poser, avoir "un peu" de silence, rire, et rire, rire...
Ca aurait été une réussite totale si l'auteur avait pu faire moins un film chanté, mais un film qui balance entre le parlé grave et le chanté émotionnel et virevoltant. Mais toutes les parties techniques, sonores et visuelles rattrapent le film pour le fond, et en font quand même une perle pour nos yeux et nos oreilles. Je le recommande.