Antebellum est porté par une telle énergie belliqueuse que sa révolte épouse la structure de son récit, soit la fusion et la confusion des époques – l’esclavagisme américain du XIXe siècle, l’Amérique d’aujourd’hui – au nom d’une défense et illustration de ce droit fondamental d’être noir dans une société patriarcale blanche. D’abord ampoulé, à la limite de la complaisance dans les sévices représentés, le film trouve son intérêt et sa valeur dans le mystère progressif qu’il construit autour de cet étrange emboîtement des temporalités et dont les acteurs – esclaves comme maîtres et soldats – semblent les témoins silencieux : un grondement dans le ciel, un soulèvement qui se prépare… Quelque chose dissone, ça grince ou, au contraire, c’est trop graissé, trop calme. Le scénario réussit à surprendre sans multiplier les retournements de situations et sans jamais revendiquer une prétention auteuriste.


La confusion temporelle et spatiale offre au long métrage une achronie politique qui lui permet de brosser le portrait tuméfié d’une communauté noire contrainte d’affronter un racisme quotidien et forcée d’imposer son corps, sa voix, ses droits par la force. Si le contexte change, la superposition des âges contribue à exacerber similitudes et adaptations de la violence, à l’instar du mépris avec lequel l’hôtesse accueille Veronica ou de l’absence de considération du sénateur lors du débat télévisé. Gerard Bush et Christopher Renz font cohabiter une violence physique, qui est celle subie par les esclaves dans les champs de coton, et une violence psychologique, plus insidieuse et sournoise, qui travaille au corps, dans le corps, tout au fond, la première violence, qui la déplace, la rejoue sous la peau. La marque au fer rouge a disparu, non elle demeure, invisible. Et les détonations qui résonnaient jadis, elles, continuent de résonner ; le champ de bataille se transforme, filmé par téléphone portable : c’est la rue d’aujourd’hui.


Antebellum constitue une œuvre pleine de colère, de révolte et de poésie mêlées – beauté des plans au ralenti, sublime de la photographie – qui a l’audace d’articuler non sans une certaine virtuosité l’immédiat présent à ce passé qui ne saurait passer et qui continue de s’actualiser au fil des arrestations, des violences et des injustices.

Fêtons_le_cinéma
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le 1 oct. 2020

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